Vidéo: Prisonniers d’Europe – Les jeunes syriens bloqués en Bulgarie

Pour les réfugiés syriens, la Bulgarie n’est que l’une des portes d’accès au continent européen. Leurs destinations finales sont autres : les pays riches du nord de l’Europe, et en particulier la Suède et l’Allemagne.

Les Syriens arrêtés par la police en territoire bulgare sont logés dans divers centres d’accueil, en attente d’une réponse à leur demande d’asile. Ils se retrouvent parqués dans une sorte de limbes : ils ont réussi à se mettre à l’abri, mais ils n’ont jamais atteint leur destination. Ils peuvent attendre ici pendant des mois, prisonniers de la bureaucratie et des règlements européens.

Ce reportage vidéo, réalisé en 2014 par Daniela Sala et Emilia Uski Audino, montre leur vie dans les centres d’accueil de Harmanli et de Voenna Rampa.

Sous-titres : cliquez sur “Paramètres” en bas à droite de la vidéo pour choisir la langue des sous-titres.

Vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=nst6-hHVI40

Source : Focus on Syria

http://www.focusonsyria.org/fr/video-prisonniers-deurope-les-jeunes-syriens-bloques-en-bulgarie/

Photo : Un réfugié syrien avec sa fille en Bulgarie – à Voenna Rampa

Un réfugié syrien avec sa fille en Bulgarie

 

L’Association « Revivre » dans Le Monde : L’odyssée d’une famille syrienne en quête d’asile

Une famille syrienne en quête d'asile

En mai 2012, Ahmed ferme une dernière fois la porte de sa maison de la banlieue de Damas. La veille, un conseil de famille en a décidé ainsi. « Mon épouse, Abir, et moi savions qu’il fallait partir. Mais nous voulions l’accord de nos filles qui avaient alors 5 et 10 ans. Nous les avons réunies pour leur expliquer que le voyage serait épuisant et dangereux… Qu’on mourrait peut-être avant de trouver une autre maison ; mais qu’on ne survivrait pas si on restait là ». En prononçant ces mots, le regard d’Ahmed se dérobe ; comme s’il se repassait le film de cette soirée. Abir, elle, laisse couler des larmes silencieuses que regarde Omar, le petit dernier.

Trois ans plus tard, l’odyssée de cette famille (dont l’anonymat a été préservé par peur des représailles sur ceux qui sont restés à Damas, touche à sa fin). Depuis le 2 janvier, Abir, Ahmed et leurs trois enfants sont en France, le but de leur voyage. Un couple de jeunes retraités de Steinbach (un village du Haut-Rhin) leur a offert l’hospitalité. Lin (13 ans), Lara (8 ans) et Omar (5 ans), ont retrouvé des soucis d’enfants, oublié un peu les cadavres et le bruit des bombes. Tout va mieux, même si Omar ne dort toujours pas sans lumière et ne veut plus entendre parler de bateau.

Ahmed et sa famille ont accosté le 30 décembre 2014 dans le port de Gallipoli, dans le sud de l’Italie. La veille, le capitaine du Sky Blue M, le « cargo poubelle » à bord duquel ils sont venus de Turquie, avait bloqué les moteurs en direction des côtes. « Apercevoir les policiers [garde-côtes] a été un immense soulagement », soupire Abir en repensant à ce voyage apocalyptique. « À peine quitté les côtes, la tempête s’est levée. Au début on a essayé de convaincre les enfants qu’il était normal qu’on soit entassés à 700 dans les cales ; normal que la coque prenne l’eau et que le bateau bouge énormément… Alors que nous-mêmes pensions à chaque instant chavirer et couler… On ne mangeait pas pour ne pas vomir. On n’a pas dormi et on n’a plus eu d’eau à boire les deux derniers jours ».

« On ne s’était pas lavés depuis la Turquie »

À l’arrivée à Gallipoli, Ahmed savait que sa famille venait d’échapper deux fois à la mort. D’abord en Syrie où 200 000 personnes ont été tuées depuis le début du conflit, et puis dans ce bateau poubelle qui aurait dû depuis longtemps être au rebut. Pourtant, à l’angoisse du naufrage s’est vite substitué la hantise qu’on relève leurs empreintes digitales. Ce qui les aurait contraints à déposer leur demande d’asile en Italie, alors qu’ils souhaitaient gagner la France.

Pour limiter les risques, la famille s’est enfuie, le 1er janvier, du camp de toiles de tente où elle avait été transférée quelques heures après l’accostage. Enfants et parents ont franchi dès le réveil et en silence les 3 mètres du grillage d’enceinte pour prendre la route du Nord. « Je ne savais pas où on était. Tout le monde dormait dans cette ville où des chiens aboyaient sur notre passage. Il a fallu marcher des heures avant de rencontrer un homme qui nous a indiqué la gare. Là, on a pris un bus pour Milan, voyagé douze heures avec comme seul rêve de prendre une douche… On ne s’était pas lavés depuis la Turquie », confie Ahmed. Après, il y a eu le trajet pour Vintimille, puis le train pour Nice et enfin les 550 derniers euros dépensés pour prendre le TGV en direction de Paris. « Un jour je reverrai Nice, répète Ahmed. C’est la première ville où j’ai pu dormir d’un sommeil profond après ces années de galère. » Enfin, ils étaient en France. Symboliquement sauvés.

Aujourd’hui, Ahmed et Abir rêvent d’intégrer la communauté des 40 000 Syriens de France. La plupart sont là depuis longtemps. Les réfugiés du conflit actuel ne gonflent les rangs qu’au compte-gouttes. Depuis 2011, quelque 4 500 Syriens ont été accueillis sur le territoire français au titre de l’asile, quand 4 millions sont réfugiés hors de leur pays et 7,6 millions déplacés à l’intérieur. En 2014, quand l’Allemagne accueillait 10 000 réfugiés repérés par le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) comme particulièrement fragiles, la France, elle, en prenait 500. Au faible nombre d’arrivées s’ajoute un accueil laissé au bon vouloir des associations et des bénévoles. « En dépit des discours politiques rappelant que les Syriens sont nos amis, la France ne fait rien pour les accueillir », s’agace Etienne Marest qui dirige l’association Revivre, qui s’occupe d’eux« Quand il s’agit d’héberger les naufragés de la route bloqués en partant aux sports d’hiver, on sait faire. On pourrait quand même créer des structures pour ces naufragés politiques »,  ajoute Michel Morzière, président d’honneur.  D’autant que pour beaucoup de Syriens, le déclassement est dur.

Déclassement

Abir et Ahmed étaient promis à une autre vie ; celle de la classe moyenne. Travailleur et habile négociateur, Ahmed avait rapidement fait fructifier son commerce. En 2010, les revenus de sa très occidentale boutique de vêtements, lui ont permis de s’offrir une maison en périphérie de Damas quelques années à peine après son mariage. « À Ein Tarma », prononce Abir dans un souffle. Ein Tarma, « c’était une banlieue chic. Un coin idéal pour élever ses enfants ». C’était… car très vite la répression aux manifestations anti Bachar el Assad l’a transformé en un quartier martyr. « On était bombardé sans cesse, coupé du reste de la ville et sans électricité. Comme j’étais le seul à avoir une voiture, j’ai beaucoup transporté de blessés et de médicaments vers l’hôpital de campagne. Plusieurs fois j’ai failli me faire prendre. En mai 2012, on a décidé de fuir plutôt que de mourir là tous les cinq », rappelle Omar.

Liban, Égypte, Turquie… la famille essaie d’abord le pourtour Méditerranée, où vivent 95 % des 4 millions de réfugiés syriens. « À Beyrouth les appartements les moins chers étaient dans un quartier contrôlé par le Hezbollah… On nous a vite fait sentir que ce n’était pas notre place à nous sunnites. Je suis allé à l’ambassade de France demander des visas, mais je n’ai même pas réussi à avoir une convocation officielle », rapporte le Syrien, conscient depuis cette date que pour venir en France, il lui faudra mettre sa famille entre les mains de passeurs. Il repousse l’échéance.

Nous sommes toute fin 2012. « On est rentré à Damas. Comme on n’y avait plus rien et plus de travail, on a décidé de tenter Alexandrie. Malheureusement, avec l’arrivée de Sissi au pouvoir en Égypte, on est vite devenu indésirables au point que des enfants ont coupé les cheveux de Lara… », se souvient la mère. Après cet échec, il ne restait plus qu’Istanbul dans la liste des possibles. « J’y ai retrouvé des fournisseurs de textile. L’un d’eux nous a aidés. Mais je ne travaillais pas suffisamment pour vivre. Au bout de 7 mois, on est une nouvelle fois revenus à Damas chez le frère d’Abir. Jusqu’à ce que je sois réquisitionné pour repartir à l’armée en dépit de mes 37 ans, que la police commence à me chercher ». Plus qu’une évidence, la France devient une urgence.

Reste à financer la traversée. « Depuis 2012, on vivait sur les 17 000 dollars d’économie que nous avions. Mais on avait presque tout épuisé et il a fallu emprunter aux proches les 15 000 pour payer la traversée », confie Ahmed, qui sait que dès qu’il retravaillera, l’argent ira au remboursement.

Désormais, la famille dispose enfin d’un récépissé de la préfecture de Colmar autorisant un mois de séjour en France. Le temps de déposer une demande d’asile. Dans la foulée, ils espèrent être logés car leur retour en région parisienne, même aidé par la communauté, reste très précaire. Et puis, les enfants attendent avec impatience une entrée à l’école. Pour revivre cette vraie vie d’enfant dont ils ont eu un avant-goût, quelques semaines à Steinbach.

Source : Le Monde 28 février 2015 – Par Maryline Baumard

Aya Mhanna, psychologue au service des réfugiées syriennes

A 29 ans, Aya Mhanna, psychologue clinicienne et psychothérapeute du Metn, au Liban, parle avec dévouement de son métier. Après des allers retours avec le Canada, c’est au pays du Cèdre qu’elle a choisi d’exercer. Détentrice d’un Master en psychologie clinique et psychopathologie de Paris V, la jeune femme a également une formation de psychothérapie familiale et d’art thérapie. Autant de diplômes qu’elle met aujourd’hui à profit

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http://information.tv5monde.com/terriennes/aya-mhanna-une-psychologue-au-service-des-syriens-14984

Aya Mhanna

Réfugiés syriens : la promesse tenue de François Hollande

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« Malgré un démarrage poussif, le gouvernement vient d’annoncer que le programme  » Syrie 500 «  avait tenu ses objectifs, et serait renouvelé en 2015. Il aura donc permis l’an dernier à 385 Syriens d’obtenir des visas à titre humanitaire en urgence, et à 115 autres de s’installer en France dans le cadre d’un accord de 2008 signé entre la France et le HCR – le tout, sans devoir passer par les procédures classiques de l’asile. »

« Ces 500 arrivées semblent toutefois peser peu au regard des 30 000 asiles réclamés par le HCR aux pays européens pour les Syriens. La France est d’ailleurs loin derrière l’Allemagne, qui a promis d’accueillir 10 000 réfugiés syriens, ou même que la Suède (1 200), mais devant l’Espagne (240). »

Lire l’article intégral…

http://luipresident.blog.lemonde.fr/2015/01/25/refugies-syriens-la-promesse-tenue-de-francois-hollande/

 

 

Témoignage de Bassam Al-Ahmed, militant des Droits de l’Homme en Syrie

Militant des Droits de l’Homme en Syrie, Bassam Al Ahmed participera à une réunion publique qui se tiendra à Paris, mardi 27 janvier 2015, à l’invitation de plusieurs organisations des Droits de l’Homme, au côté de 4 autres activistes syriens de premier plan. Le débat sera modéré par le politologue Ziad Majed, auteur de Syrie, la révolution orpheline. Merdi 27 janvier 2015, de 19h30 à 22h. « Le combat des défenseurs des droits de l’Homme en Syrie » : Salle Jean Dame 17, rue Leopold Bellan, 75002 Paris ………………………………………………………………….

Je m’appelle Bassam Al-Ahmed. Je suis originaire de la ville de Qamichli dans le gouvernorat syrien de Hassakeh. En 2005, j’ai commencé à militer et j’ai intégré plusieurs organisations clandestines de revendication des droits démocratiques des Kurdes en Syrie. Au cours des années qui ont précédé la révolution syrienne, j’ai participé à des dizaines de soirées et d’activités avec d’autres militants, essentiellement dans la ville de Damas. Nombre de ces réunions portaient sur la culture de la citoyenneté, la société civile, les droits humains, la Constitution, les minorités et d’autres sujets encore parmi ceux qui étaient débattus dans les couloirs de l’Université de Damas. Notre action dans ces domaines était remarquable et d’une très grande envergure au sein de l’université. Bassam-AL-AHMED   Suite au déclenchement de la révolution en mars 2011, j’ai participé à des activités de la révolution, comme tous les militants et citoyens syriens qui se sont révoltés pour défendre leur liberté et leur dignité. Parmi nos nombreuses activités figuraient la participation aux manifestations pacifiques et l’organisation de conférences sur la non-violence avec plusieurs autres militants et activistes. J’ai ensuite commencé à collaborer avec le Centre syrien pour les Médias et la Liberté d’Expression en janvier 2012. Peu de temps après, en février, le Centre a été victime d’une attaque des services de renseignements de l’Armée de l’air qui ont arrêté toute l’équipe des militants et militantes, avec à sa tête le journaliste Mazen Darwich. Libéré 87 jours plus tard, j’ai repris mes activités et me suis entièrement consacré au travail avec le Centre de Documentation des Violations en Syrie (VDC), dirigé par l’éminente avocate des Droits de l’Homme Razan Zaitouneh.

Le Centre de Documentation des Violations joue un rôle essentiel dans le processus de documentation des violations des Droits humains en Syrie depuis le début de la révolution. Il est parvenu, jusqu’à ce jour, à documenter des dizaines de milliers de cas de meurtres et de mauvais traitements infligés à des détenus, et à collecter les noms de milliers de victimes de disparitions forcées. Nous avons également publié des dizaines de rapports, dont le premier rapport documenté sur le massacre à l’arme chimique de la Ghouta de Damas en août 2013, le premier rapport sur les atrocités commises au sein de l’Unité 215 des services de la Sécurité militaire ou encore sur les fosses communes où sont ensevelis les prisonniers.

Le Centre compte aujourd’hui plus d’une trentaine de militants et militantes compétents et expérimentés en matière de documentation des violations des Droits humains, à la fois du fait de l’ampleur de notre travail au quotidien depuis près de 4 années, et grâce aux nombreuses sessions de formation auxquelles ils ont pu participer avec le soutien des organisations internationales des Droits de l’Homme.

A l’instar des autres jeunes organisations de la société civile et des organisations syriennes de défense des Droits humains, notre Centre a dû faire face à quantité de défis et difficultés au cours des premiers mois de la révolution, principalement en lien avec la situation sécuritaire. Un grand nombre de militants qui collaboraient ou travaillaient avec le Centre ont été arrêtés. Et ces difficultés n’ont pas cessé après que certains groupes armés opposés au gouvernement aient pris le contrôle de certaines régions dans lesquelles nos militants sont actifs. Le 9 décembre 2012, des membres d’une milice anti-gouvernementale ont attaqué le bâtiment principal du Centre de Documentation des Violations en Syrie de la ville de Douma, dans la campagne de Damas, et enlevé la directrice du Centre, la militante pour les Droits humains et avocate Razan Zaitouneh, ainsi que trois de ses collègues : Samira Al-Khalil, Wael Hamada – l’époux de Razan Zaitouneh, et l’avocat Nazim Al-Hamadi. A ce jour, ils figurent parmi les nombreuses victimes de disparitions forcées dans mon pays.

Les organisations de la société civile syrienne ont déployé d’incroyables efforts pour obtenir la vérité sur les événements qui affectent la Syrie, et les défenseurs des Droits humains ont joué un rôle de premier plan à cet égard. Ils ont, pour cela, enduré de nombreuses souffrances, fait la terrible expérience de la détention où parfois ils ont laissé la vie. Notre collègue le Dr. Ayham Mostafa Ghazzoul, qui militait avec nous, a ainsi succombé sous la torture alors qu’il se trouvait aux mains des services de sécurité. C’est le cas de dizaines d’autres activistes, si nombreux que nous ne pouvons tous les nommer ici. Nous avons cependant une pensée toute particulière pour Mazen Darwich, directeur du Centre syrien pour les Médias et la Liberté d’Expression (SCM), le blogueur Hussein Gharir et l’activiste Hani Zitani, avec qui j’ai été arrêté en février 2012 et qui sont toujours détenus pour leur combat pacifique en faveur des libertés.

Malgré tous les défis auxquels nous sommes confrontés, nous avons conscience que la société civile syrienne est encore jeune et doit continuer à se construire. Nous avons besoin du soutien des organisations internationales dont l’expérience est avérée dans ce domaine, mais plus encore c’est de la solidarité et du soutien de tous dont nous avons besoin pour cultiver l’espoir et nous aider à tracer un chemin hors de l’obscurité pour la Syrie.

 

Source : Un œil sur la Syrie, 20 janvier 2015 http://syrie.blog.lemonde.fr/2015/01/20/temoignage-de-bassam-al-ahmed-militant-des-droits-de-lhomme-en-syrie/

Radwan, rescapé syrien du « Blue Sky », et son ange gardien italien Tommaso

Par  Maryline Baumard 

Le Monde le 5 janvier 2015  

On l’appellera Radwan. Le 31 décembre à 3 h 30 du matin, cet homme de moins de 40 ans, teint hâlé, visage exténué, est descendu du cargo Blue Sky à Gallipoli, dans le sud de l’Italie, avec son épouse enceinte. Depuis, le migrant Syrien s’est reposé dans une école, un centre d’hébergement avant de prendre le train pour remonter l’Europe. En trois jours, il a quitté les frontières de l’Italie.

Aujourd’hui, Radwan continue sa route vers le nord avec, en Italie, un ange gardien du nom de Tommaso Tomaiuolo qui veille sur lui. L’amitié entre ces deux hommes a commencé le 31 décembre au travers d’une grille de cour d’école. Celle de l’établissement de Gallipoli où Radwan avait été emmené pour se reposer après que son cargo – abandonné par son capitaine – eut été ramené dans le port.

Comme ses voisins et ses amis, Tommaso s’apprêtait à fêter tranquillement le réveillon de la Saint-Sylvestre dans les Pouilles quand le Blue Sky a fait irruption dans sa vie. Depuis l’arrivée de ce cargo et de ses 768 migrants, dans le port de sa petite ville, le jeune quadragénaire est comme happé dans un tourbillon fou. « Je n’oublierai jamais les rencontres que j’ai faites depuis le 31 décembre, ni les regards. Ils ont changé mon regard sur la vie », raconte ce créateur de sites Internet qui travaille pour une petite société italienne et habite à Alezio, à 5 kilomètres de Gallipoli, dans les Pouilles.

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Photo : Le « Blue Sky », dans le port Gallipoli. | DR/Tommaso Tomaiuolo

«  Je voulais être utile »

Dès qu’il apprend que le navire vogue sans capitaine, en direction des côtes de son pays, il twitte heure par heure le sauvetage et alimente son compte Facebook. Dès les premières heures du jour, levé tôt, il file au port.

« Un navire vide c’est bien… Mais ce n’était pas mon but ! , raconte-t-il, je voulais être utile. » Tommaso pressent que la couche de rouille du cargo cache bien des drames humains. Comme il ne décroche pas des radios locales, il apprend tout de suite dans quelles écoles de la ville ont été installés les migrants, afin qu’ils puissent se reposer. « Le maire a eu six heures pour réagir et trouver des solutions. Juste le temps du sauvetage du navire », ajoute Tommaso.

L’homme file vers les centres ouverts, comme beaucoup d’autres citoyens de cette zone pauvre, touchée de plein fouet par le chômage, mais prêts là à toutes les générosités. « Durant la soirée du 30 décembre, entre 21 heures – heure à laquelle on a appris que le bateau fantôme se dirigeait vers nos côtes – et son arrivée, 70 bénévoles de la protection civile se sont mobilisés, aux côtés de ceux de la Croix Rouge et de beaucoup de simples citoyens comme moi », explique-t-il.

Quand Tommaso Tomaiuolo arrive dans une des écoles d’accueil, des hommes sont là derrière les grilles. « A un premier, je demande ce dont il a besoin, il me montre timidement mon téléphone mobile que je tenais à la main et comme je lui passe, il semble douter qu’il puisse vraiment appeler à l’étranger. » L’homme joint la Turquie, parle quelques minutes et rend à Tommaso son smartphone « avec un sourire que je n’oublierai jamais ». Tous deux fument ensemble une cigarette. Tommaso lui pose quelques questions.

Quand l’ingénieur revient à l’école, l’après-midi, il trouve un autre Syrien à la place du premier. C’est Radwan. Son épouse se repose de ce voyage dans des conditions effroyables.

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Photo :  Les cales du Blue Sky durant la traversée de la Méditerranée. | DR/Tommaso Tomaiulo

Les deux hommes sympathisent, partagent quelques cigarettes. « Radwan a quitté la Syrie, il y a un an et vit depuis en Turquie. Là, il a dû une nouvelle fois refaire ses bagages, parce qu’en Turquie il n’a trouvé aucun travail », rappelle l’Italien. Tommaso Tomaiuolo, qui ne veut pas se mettre en scène, reconnaît du bout des lèvres qu’il a aidé financièrement cet homme à partir vers le nord et à charger son téléphone portable. Il lui a aussi donné deux livres et deux crayons. Radwan n’est pas « pauvre », mais il vient tout de même de débourser 14 000 euros pour payer son passage et celui de son épouse et il ne sait pas quand son périple s’arrêtera…

Pour les épisodes précédents, les photos prises par l’Italien parlent d’elles-mêmes. « Comme nous n’avions pas de connexion Internet, j’ai photographié avec mon téléphone l’intérieur de la cale du Blue Sky. Et franchement, cela m’a bouleversé de voir comment ces gens avaient été traités », raconte Tommaso.

« Rester en Syrie pour y mourir ou partir »

La discussion s’installe entre les deux hommes et Radwan raconte comment il lui a fallu prendre un petit bateau de pêche pour rejoindre le cargo qui mouillait dans les eaux internationales au large du port turc de Mersin. « Comme il avait un très bon anglais, pour avoir vécu quelque temps en Grande-Bretagne, nous avons pu parler longuement. Pour Radwan, la question syrienne n’est pas un problème que doit gérer l’Italie ou l’Europe, mais c’est bien un sujet qui doit être pris en charge par les Nations unies. Je n’avais que deux options, m’a dit Radwan : rester en Syrie pour y mourir ou partir », rapporte l’Italien.

La discussion entre Radwan et Tommaso a été stoppée, ce 31 décembre par les cris de deux femmes. Toutes deux pleuraient l’arrestation par la police italienne de leur fils et frère Rani Ahmad Sarkas, soupçonné par les autorités d’être un des passeurs et d’avoir piloté le cargo.

Dimanche 4 janvier, le quotidien italien La Republica racontait son audition par la police, traduite par l’AFP. « Ils m’ont promis 15 000 dollars [12 500 euros] et la possibilité de faire venir toute ma famille », a-t-il expliqué aux inspecteurs. Tommaso confirme que les deux femmes lui ont expliqué que treize autres membres de la famille se trouvaient sur le Blue Sky.

Rani Ahmad Sarkas est un Syrien âgé de 36 ans. Des extraits de son audition, reproduits par le journal italien permettent de comprendre comment il a pris la barre du navire. « Je suis arrivé en Turquie par avion depuis le Liban où j’étais réfugié. Là, j’ai été contacté par une connaissance qui savait que j’étais capitaine de navire », ajoute-t-il. Les deux hommes se rencontrent à Istanbul, font affaire. Rani Sarkas embarque alors avec trois autres hommes sur le Blue Sky, battant pavillon moldave, à destination de Mersin, port turc situé près la côte syrienne.

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Photo : Sarkas Rani, capitaine du Blue Sky. | Facebook/ Rani Sarkas

Le cargo reste deux jours, ancré au large, dans l’attente de sa « cargaison ». Le troisième jour, un bateau a emmené un premier groupe de 30 personnes sur le Blue Sky. Pendant quatre jours, la noria a continué et, le 25 décembre, ils ont largué les amarres avec 768 passagers à bord. « J’ai personnellement tracé la route pour l’Italie », a raconté le jeune homme aux enquêteurs. Après s’être abrité près des côtes grecques, pour éviter la tempête, il a repris sa route vers le sud de l’Italie. Il a ensuite abandonné la passerelle pour se réfugier dans la cale après avoir bloqué la barre et le moteur. Le navire a continué sa route à environ six nœuds (11 km/h) vers la terre. Sans intervention de la marine italienne, il se serait fracassé contre les rochers avec sa cargaison humaine.

« La mère et la sœur du capitaine m’ont demandé si je pouvais les aider à trouver un avocat, mais aucune des deux n’a voulu que je les filme. Elles avaient peur de la mafia turque si un jour, elles retournent en Turquie », regrette Tommaso. Avant qu’il ne soit question de cela, les migrants sont montés dans un bus pour être mieux installés ailleurs en Italie. L’école a refermé ses portes pour se préparer au retour des élèves italiens ce lundi.

« Le 31, j’ai surtout surveillé ma messagerie pour voir si Radwan m’avait écrit. J’ai eu le plaisir de découvrir que oui », ajoute-t-il.

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Photo : Echange de SMS entre Tommaso et Radwan. | DR

Le 1er janvier, Tommaso Tomaiuolo a refait le tour des écoles. La dernière était en train d’être évacuée. Gallipoli refermait la parenthèse du Blue Sky« Pour moi, cela aura vraiment été une Saint-Sylvestre riche en tragédie et en émotion. Un de ces moments qui changent un regard sur la vie. Je n’oublierai jamais comment ma ville a su prendre soin des migrants. J’aime me rappeler cette photo du maire qui fait une partie de volley-ball avec quelques-uns d’entre eux. La vie est rude dans l’Italie du sud, très touchée par la crise, mais elle est belle. Nous avons des valeurs », conclut l’Italien avant de repartir à son quotidien d’informaticien.

*Initialement, Tommaso Tomaiuolo ne souhaitait pas apparaître dans ce récit. « Je veux juste que cette tragédie soit connue. Je n’ai fait que ce que d’autres citoyens comme moi ont aussi fait pour ces gens. Par humanité », ajoute-t-il à l’issue d’un long entretien téléphonique. Convaincu que le lecteur de cet article a envie de le connaître, il a finalement accepté que son nom et ses actions figurent dans le récit de ce moment que dit-il, il « n’oubliera jamais ».
Vidéo (Le Monde & Dalymotion)

« Les migrants du blue SkyM transférés depuis l’école de Galipoli »

http://www.dailymotion.com/video/x2e1vfr_les-migrants-du-blueskym-transferes-depuis-l-ecole-de-galipoli_news

 

Source: Le Monde. 05.01.2015 

http://www.lemonde.fr/immigration-et-diversite/article/2015/01/05/radwan-rescape-syrien-du-blue-sky-et-son-ange-gardien-italien-tommaso_4549556_1654200.html

 

 

 

 

Communiqué « Les cargos de la honte »

Communiqué du 2 janvier 2015

 

 « Les cargos de la honte »

Préparons nous à accueillir dignement de nombreux réfugiés syriens.

 En quelques 48 heures, deux cargos chargés de centaines de réfugiés pour la plupart syriens ont failli, abandonnés par leur équipage à la solde de passeurs, se fracasser sur les côtes italiennes. Il s’en est fallu de peu qu’une nouvelle catastrophe humanitaire s’additionne aux 3 400 migrants ayant perdu la vie en 2014 en Méditerranée.

Pour l’association REVIVRE, ce nouvel épisode n’est pas pour la surprendre.  Les 4 millions de réfugiés aux frontières de la Syrie vivant dans des conditions précaires et n’ayant aucune perspective de retour dans un pays détruit et soumis à la barbarie, ne vont cesser de tenter de fuir vers d’autres pays et, tout particulièrement, vers l’Europe.

Depuis les 2 arrivées de quelques 400 réfugiés syriens en avril et en juillet 2014 à Saint-Ouen, nous ne cessons d’attirer l’attention des différentes administrations sur la nécessité d’anticiper les conséquences d’une immigration importante de réfugiés syriens sur notre territoire.

L’Italie ne pourra, elle seule, garder sur son territoire tous ces migrants. Beaucoup vont se retrouver en France, soit pour transiter, soit pour y demander l’asile.

Dès maintenant, des dispositifs de protection et d’hébergement d’urgence doivent être élaborés, sachant que nous sommes en période hivernale et que de nombreux enfants accompagnent ces familles.

Ces derniers jours, nous avons pu constater qu’à l’occasion de la mise en place du plan « Grands froids » et des mesures destinées aux naufragés de la neige sur les autoroutes des vacances des solutions existent lorsque la volonté est au rendez-vous.

Les devoirs de solidarité et de respect du droit d’asile envers ces victimes d’un conflit aussi monstrueux sont indispensables.

Contact presse :

Contact.revivre@gmail.com

Tel : 06 87 56 94 53

Communiqué Revivre du 2 janvier 2015