Newsletter n°23

Cela dure depuis plus de 54 ans  !

… « L’officier m’attend à la porte du bureau. La rage suinte de son regard… Il continue à lire et à frapper. Je suis étalé par terre, il m’écrase la bouche avec sa chaussure, puis il la déplace sur mon cou et se met à appuyer. Il me broie et me pétrit de ces deux pieds. Je comprends que ce que j’ai dit contre « M. Le Président » suffit en soi pour que je sois pendu par les testicules.

Ensuite, il donne des instructions à un agent en braillant à s’en étrangler.

Trois jours que je n’oublierai jamais. Fouet ; coups ; pneu ; tapis volant ; électricité… Des pinces sont fixées à mes partie sensibles et on branche l’appareil. Mon corps se met à danser une danse électrique. J’ai l’impression que je vais rendre le dernier soupir… ».

Ceux sont là quelques mots de Moustafa KHALIFE – dans son roman La Coquille (Actes Sud 2007) – qui décrivent la violence innommable des conditions carcérales sous le régime d’el-ASSAD-père. Son témoignage – tout dans la retenue lors de la première table ronde de la soirée anniversaire des 20 ans de Revivre- est glaçant. La Coquille est à la fois un roman et une minutieuse documentation de ce qu’il a vécu dans sa chair pendant ses 13 ans de détention.

Avec son stylo-bille, Najah ALBUKAI reproduit des centaines de ces horribles scènes de torture que, lui aussi, a subie ou observées lors de trois périodes d’emprisonnement sous le régime d’el-ASSAD fils. Son témoignage – avec une étonnante dérision lors de cette même table ronde – atteste des mêmes atrocités insoutenables. Une déshumanisation abyssale !  Y survivre est inimaginable.

Dans la seconde table ronde, Jihad YAZIGI nous a décrit les flux financer de l’aide humanitaire qui parviennent en Syrie… et sur lesquels le régime prélève une bonne part.

Arrêtons-nous sur la question de la fin de cette soirée posée par Clémence BECTARTE qui, depuis plus de 10 ans avec des collègues avocats et des journalistes, enquêtent et documentent sur les tortionnaires réfugiés en Europe : « Pourquoi continuer encore à se battre contre l’impunité des tortionnaires pour si peu de résultat à l’échelle du problème ? » Encore trop peu d’entre eux ont pu être poursuivis en justice.

Au-delà de l’importante de faire justice contre l’impunité, il faut continuer à révéler au grand jour les méthodes – encore partagées par tous les amis de la Syrie de Bachar – de destruction radicale de la personne humaine, utilisées pour extorquer des aveux (le plus souvent faux), pour obtenir une soumission totale, pour supprimer des personnes et faire régner la terreur chez une moitié du peuple syrien par l’autre moitié. Plus de 54 ans que cela dure ! 

Avant de promouvoir la « normalisation des relations » avec la Syrie, que chaque diplomate, que chaque politicien, prenne le temps de lire attentivement « La Coquille » de Mustafa KHALIFE et/ou  « Tous témoins » (Actes Sud) de Najah ALBUKAI, et regarde les photos du dossier César… et qu’il s’interroge sur ce qui va véritablement être « normalisé ».*

Le CA de Revivre le 2 décembre 2024

  • : Jusqu’à fin novembre, nombre de pays souhaitaient encore (!) une « normalisation » comme porte de sortie à l’aube des évènements actuels. (ndlr du 9/12/2024)

=> Lire la Newsletter 23 – Décembre 2024/1

SOIRÉE ANNIVERSAIRE des 20 ans

=> Vous n’étiez pas à l’Institut du Monde Arabe le jeudi 24 octobre 2024 ?

Alors, rendez-vous sur la page des 20 ans pour voir un aperçu de cette belle soirée, riche en émotions.

FILM – Revivre, 20 ans après

Réalisation : Mahmoud HAMOUD avec Abdulrazak ALJUMAA et Emilie GLASMAN

Montage : Ahmad MUADDAMANI

Mixage son : Rita MAHMOUD

Traduction : Abdulrazak ALJUMAA

Interviews (dans l’ordre d’apparition) :

  • Assem HAMSHO – Photographe et activiste syrien
  • Michel DUCLOS – Ancien Ambassadeur de France en Syrie de 2006 à 2009
  • Aïcha ARNAOUT – Poétesse et activiste franco-syrienne
  • Pascale BRICE – Ancien Directeur de l’OFPRA de 2012 à 2018
  • Michel MORZIÈRE – Membre fondateur et président d’honneur de l’Association

Newsletter 22 – Edito

En 2004, en créant Revivre nous ne pensions pas que, 20 ans plus tard, le peuple syrien serait ainsi martyrisé, et la Syrie fracturée livrée à la dictature d’un clan, au trafic de drogue, à l’obscurantisme et à l’intolérance.

Au cours de ces 20 années passées, Revivre a pu travailler, collaborer, échanger avec des syriens et syriennes – aujourd’hui disparus – dont l’humanité et le combat font l’honneur de ce pays. Nous pensons tout particulièrement à Riyad Turk, Razan Zetouney, Fadwa Souleyman, Salameh  Kailéh, Abbas Abbas, Dr Al Rayer, Michel Kilo.

Nous pensons à Imad Chiha, à Farez Mourad emprisonnés pendant 30 ans, et à Haissam Nahal pendant 28 ans.

Nous pensons à l’immense cohorte d’anonymes – femmes, hommes et enfants – broyés depuis 1970 par le régime – de père en fils – et ses affidés. 

Nous pensons à ceux qui furent les premiers artisans de Revivre : Wladimir Glasman et son épouse Vivianne, présidente de Revivre, Sakher Farzat notre premier président.

Nous pensons à ces femmes activistes, anciennes prisonnières du régime qui perpétuent aujourd’hui leur engagement dans le « mouvement du 26 novembre ».

Comment ne pas associer à cette commémoration, ces milliers de femmes, hommes et enfants, réfugiés en France dans la douleur de l’exil. Depuis 12 ans, nombreux ont été accueillis à notre permanence.

Comment ne pas se révolter pour toutes ces familles fracturées qui depuis des mois, voire des années, ne parviennent à obtenir de nos autorités consulaires des visas pour enfin se rassembler et enfin revivre.

Les rapports de la Commission d’enquête indépendante et internationale de l’ONU sur la Syrie mettent l’accent sur la souffrance des civils qui subissent depuis plus d’une décennie, crimes, bombardements, transferts de population, disparitions forcées et privations de liberté.

Jamais nous n’accepterons que les bourreaux puissent être réhabilités et soient un jour fréquentables par nos dirigeants.

Par nos actions de plaidoyer pour la Syrie martyrisée, c’est notre propre Humanité que nous préservons.

Merci à vous tous, bénévoles, adhérents, donateurs. Sans vous rien ne serait possible.

Merci à vous tous, journalistes, avocats, chercheurs, juristes, activistes, qui contribuez à documenter et à refuser l’impunité des bourreaux.

Les graines de la Démocratie et de la Justice ont été semées en Syrie. Revivre, à la mesure de ses moyens, devra avoir la ténacité de les faire fructifier.

Pour une Syrie Libre et Démocratique, ensemble, nous ne lâcherons rien.

Michel MORZIERE

Président d’honneur de Revivre

Newsletter 21 – Edito

Normaliser les violations des droits humains, jamais !

Au moment où l’Iran – aidé de tous ses proxys – promet un déluge de feux sur Israël, des membres de l’UE veulent renouer avec le boucher de Damas. Aujourd’hui, huit Etats membres de l’UE[1] demandent un début de normalisation des relations avec le régime de Bachar Al-Assad ! Unique but : faciliter les renvois de Syriens … et plaire à des opinions publiques xénophobes. L’extrême droite française n’aurait pas manqué de se joindre à la fine équipe si elle avait gagné les dernières élections nationales, en nommant Thierry Mariani aux Affaires Etrangères et Eric Ciotti à l’Intérieur (méfions-nous, car ce n’est que partie remise pour 2027).

Normaliser avec la Syrie, c’est normaliser avec le Hezbollahperfusé par les centaines de millions de dollars de l’Iran – qui profite depuis des années de ses accointances privilégiées avec le régime de Bachar al-Assad pour convoyer des armes de tous calibres et des miliciens par centaines vers le Sud-Liban. Tout cela sous les regards bienveillants des militaires russes implantés dans leurs bases militaires en Syrie, sans lesquels le régime de Bachar Al-Assad serait tombé depuis longtemps. Tous sont liés !

Faut-il rappeler à l’Autriche, l’Italie, Chypre, etc. les scores de violations des droits humains qui sont les normes dans ces pays-là ? L’Iran : 853 condamnations à mort par pendaison en 2023[2], Russie : 10 000 condamnés accusés de discrédit de l’armée vis-à-vis de la guerre en Ukraine, la Syrie : au moins 43 morts sous la torture et 756 arrestations arbitraires depuis 9 mois, etc… Beaucoup des syriens renvoyés du Liban ou de Turquie passent par la case prison … syrienne, de façon arbitraire et sans jugement.

Pactiser un tant soit peu avec la Syrie de Bachar, c’est laisser gagner la gangrène des violations des droits humains. Normaliser avec la Syrie de Bachar, c’est normaliser avec l’Iran des mollahs, le Hezbollah de Nasrallah, la Russie de Poutine, la Corée du Nord, etc. Lequel de ces membres de l’Union Européenne va ensuite être le premier à demander aussi la légalisation de la torture … pour des cas d’exception pour commencer ?

Depuis 20 ans, Revivre dénonce ces violations des droits humains en Syrie[3]. Triste anniversaire. Nous marquerons cette date par une soirée de rencontres pour faire mémoire, se consoler, analyser et regarder l’avenir. Rendez-vous le jeudi 24 octobre à l’Institut du Monde Arabe à Paris. Ami-e-s de la Syrie libre et démocratique, nous vous attendons nombreux.


[1] Autriche, Chypre, Croatie, Italie, Grèce, Slovaquie, Slovénie, République Tchéque,

[2] https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2024/04/iran-executes-853-people-in-eight-year-high-amid-relentless-repression-and-renewed-war-on-drugs/#:~:text=Le%20nombre%20d’exécutions%20en,exécutions%20recensées%20au%2020%20mars.

[3] https://association-revivre.fr/un-proces-qui-grave-dans-le-marbre-les-crimes-du-regime-de-bachar-al-assad/

=> Newsletter n°21 – Septembre 2024

Une nouvelle victoire contre l’impunité de Bachar Al – Assad

La cour d’appel de Paris a validé, mercredi 26 juin, le mandat d’arrêt émis par des juges français contre le président syrien Bachar al-Assad, accusé de complicité de crimes contre l’humanité pour des attaques chimiques meurtrières au gaz du 5 août à Adra et Douma, et du 21 août 2013 dans la Ghouta orientale, banlieue de Damas, faisant plus de 1 000 morts et des centaines de blessés. 

Par cette décision, la chambre de l’instruction a rejeté la requête du Parquet national antiterroriste (Pnat), qui demandait l’annulation du mandat au motif de l’immunité personnelle des présidents en exercice. 

Le Pnat considérait que les exceptions à l’immunité personnelle des chefs d’Etat en exercice sont « réservées au seul bénéfice des juridictions internationales », comme la Cour pénale internationale, et non des tribunaux de pays étrangers. La Chambre de l’instruction de Paris en a décidé autrement !

Les quatre mandats d’arrêt pour la planification présumée des attaques chimiques visant Bachar al-Assad, son frère Maher, ainsi que les généraux, Ghassan Abbas et Bassam al-Hassan peuvent ainsi être exécutés.

Cette décision de la justice française arrive peu après la condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité le vendredi 24 mai 2024 par la Cour d’assises de Paris de trois membres de l’entourage de Bachar al-Assad : Ali Mamlouk (ex-chef du Bureau de la sécurité nationale), Jamil Hassan (ex-directeur des services de renseignements de l’armée de l’air), et Abdel Salam Mahmoud (ex-directeur de la branche investigation de ces services) accusés de la disparition forcée et de la mort sous la torture de deux franco-syriens.

Non à l’impunité pour les responsables des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre. La Justice doit passer !