A écouter : Alep, la tragédie continue

Avec le Général Trinquand, consultant, ancien chef de mission militaire auprès de l’ONU, Ziad Majed, politologue, spécialiste de la Syrie, professeur des études orientales à l’Université américaine de Paris et Raphaël Pitti (en duplex de Metz), professeur de médecine d’urgence, chargé de mission de formations à la médecine de guerre auprès de l’Union des Organisations de Secours et de Soins Médicaux France en Syrie.

France Culture

A écouter sur le lien de France Culture:

http://www.franceculture.fr/emissions/l-invite-des-matins-d-ete/alep-la-tragedie-continue

 

 

Nancy : Réfugié syrien.. il y a 30 ans

Lui a fui le régime d’el-Assad… père, en 1986. Une date cruelle mais aussi le début d’une renaissance. Ce que ce paisible commerçant militant voudrait également offrir à ses (ex) compatriotes en détresse aujourd’hui.

18/07/2016

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« Aujourd’hui je me sens d’abord Français parce que la France m’a respecté. » Photo ER

J’ai toujours considéré comme mon vrai pays celui qui a su me respecter. Et ce n’est vraiment pas le cas de la Syrie. » Aussi Nadim Chaghouri se considère-t-il d’abord comme Français. Il en a d’ailleurs la nationalité depuis 1988. Deux ans plus tôt, il mettait pour la première fois les pieds en France. « C’était le 4 janvier 1986. Je m’en souviens comme si c’était hier. Aussi longtemps qu’on n’avait pas décollé de Damas, j’avais la peur au ventre. »

À trois reprises, le jeune Nadim avait déjà été convoqué par les services secrets du régime. Par trois fois, il en avait réchappé. « J’avais été dénoncé », raconte cet homme de 57 ans au sourire doux et au verbe posé précautionneusement. « Ironie du sort, ça ne concernait pas les faits que j’avais effectivement commis. » Car le régime d’Hafez el-Assad (père de l’actuel président) aurait effectivement eu tout lieu de le clouer dans ses geôles. Inscrit à la faculté de Damas, cet étudiant en sciences, originaire de Homs, militait clandestinement contre cette dictature, extrêmement répressive comme son propre cousin en avait fait la tragique expérience. « Il a osé se plaindre de la cherté de la vie devant un collègue. Une heure et demie après, il était arrêté. On ne l’a plus jamais revu. » C’était en 1979.

L’accusation était grosse

Nadim, lui, est sorti libre de ses convocations successives grâce à l’entregent d’un ami général. Surtout, les accusations portées à son encontre avaient un peu forcé le trait. « Mon délateur m’aurait notamment entendu insulter le président. En apprenant ça, j’ai souri. Vous imaginez, ai-je dit au colonel qui m’interrogeait, que quiconque dans ce pays ose insulter le président en public ? »

Effectivement, ça aurait été suicidaire. L’accusation était « trop grosse » et c’est ce qui a contribué à le sauver. Mais le jeune homme avait senti le vent du boulet. C’était décidé, il partait pour la France, en intimant à sa famille de ne surtout pas hésiter à le renier. Elle l’a fait. C’était une question de vie ou de mort.

Ainsi Nadim n’a-t-il plus jamais revu ni ses parents, ni aucun de ses quatre frères. « Et ça, c’est l’un de mes rares regrets : d’avoir ainsi été coupé de ma famille. »

Soif d’intégration

En France, Nadim a posé ses valises à Nancy où ses contacts lui promettaient une intégration pas trop difficile. Et de fait, il a mené son petit bonhomme de chemin. Il s’est empressé d’apprendre le français, sa demande d’asile lui a été accordée rapidement. Devenu papa, il a dû toutefois interrompre ses études (« ça, c’est mon autre regret »), mais après avoir occupé divers emplois, il a fini par ouvrir un commerce de photocopie-reprographie dans le quartier Saint-Nicolas. « Et j’ai fait ma vie », résume ce père de trois filles. « Pour être tout à fait honnête, je considère que ça s’est fait sans problème. »

Et c’est parce que ses (ex ?) compatriotes arrivant aujourd’hui ne peuvent pas en dire autant que le discret commerçant vient de créer l’association France-Syrie Entraide (lire ci-dessous). Sans doute aussi parce qu’il retrouve chez eux la même soif d’intégration, et la même urgence de vivre en paix qui l’accompagnaient, lui, le jeune Nadim Chaghouri, il y a exactement… 30 ans.

Lysiane GANOUSSE

Source : L’Est Républicain

http://www.estrepublicain.fr/edition-de-nancy-ville/2016/07/18/nancy-refugie-syrien-il-y-a-30-ans

Les gilets des réfugiés; fleurs de Lotus flottantes

Ai Weiwei décore les jardins du Belvédère, à Vienne, avec des gilets de sauvetage

13 juillet 2016

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L’installation « F Lotus » d’Ai Weiwei aux jardins du Belvédère à Vienne, en Autriche   PHOTO : AP PHOTO/RONALD ZAK

Après avoir enveloppé de gilets de sauvetage les six colonnes de la salle de concert Konzerthaus, à Berlin, en février dernier, l’artiste chinois Ai Weiwei utilise une fois de plus des vestes, cette fois aux jardins du Belvédère, à Vienne, en Autriche.

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L’installation « F Lotus » d’Ai Weiwei aux jardins du Belvédère, à Vienne, en Autriche   PHOTO : HANS KLAUS TECHT/AFP/GETTY IMAGES

[ C’est peut-être la dernière chose qu’on agrippe avant de mourir.]

Ai Weiwei

En 2015, 1,25 million de réfugiés ont demandé l’asile à l’Union européenne. Plus de 3500 d’entre eux ont péri pendant leur exil, la plupart noyés lors de la dangereuse traversée de la mer Méditerranée.

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L’artiste Ai Weiwei pose devant ses installations « F Lotus » et « Circle of Animals/Zodiac Heads », à Vienne / PHOTO : HANS KLAUS TECHT/AFP/GETTY IMAGES

Depuis la crise des réfugiés en Europe, Ai Weiwei a intensifié les coups d’éclat pour attirer l’attention du public sur le sort de ces gens. Il s’est d’ailleurs déplacé de nombreuses fois en Grèce et à Lesbos afin de s’exprimer sur le sujet et de créer diverses installations artistiques choc.

Les visiteurs peuvent voir l’installation depuis mercredi dans les jardins du Belvédère, à Vienne, l’un des plus célèbres palais de la capitale autrichienne.

 

Source : Radio Canada

http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/arts_et_spectacles/2016/07/13/002-ai-weiwei-gilets-sauvetage-lotus-vienne-migrants.shtml

Six colonnes enveloppées de l’agonie orange

Nouveau coup d’éclat de l’artiste Ai Weiwei à Berlin

17 février 2016

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Le Konzerthaus de Berlin recouvert de gilets de sauvetage de migrants   PHOTO : GETTY IMAGES/CLEMENS BILAN

Les vestes couvrent les six colonnes du Konzerthaus

« Comme l’art, ils [les gilets] sont destinés à choquer le continent de la complaisance à un moment où les pays européens ferment un à un leurs portes aux demandeurs d’asile, a déclaré Ai Weiwei. C’est l’Europe. Nous sommes au 21e siècle et je ne pense pas que les gens ont réellement compris. »

En route pour l’Europe, des réfugiés syriens, iraquiens et d’autres pays transitent par l’île de Lesbos, en Grèce, où ils laissent derrière eux ces gilets qu’ils ont utilisés pour la traversée depuis la Turquie.

L’artiste chinois Ai Weiwei est connu pour ses œuvres engagées qui dénoncent les violations des droits de la personne et la corruption institutionnalisée, et qui montrent le choc entre la culture chinoise et la société de consommation occidentale.

Il y a quelques semaines, il avait pris position sur la crise des migrants en reproduisant sur une plage de Lesbos la photo d’Alan Kurdi (1) , ce petit Syrien de 3 ans retrouvé mort noyé sur une plage turque l’an dernier.

Alors que le débat sur la crise des migrants divise les pays européens, certains artistes s’en inspirent.

Il y a un mois, l’artiste britannique Banksy avait reproduit, sur un mur près de l’ambassade de France à Londres, l’affiche de la comédie musicale Les misérables sur fond de gaz lacrymogène, un drapeau français déchiré derrière en arrière-plan. Il désirait alors envoyer un message aux autorités françaises pour leur gestion de la crise des migrants à Calais.

Également, Dismaland, la parodie du parc familial à la Disney de Banksy installée à la piscine de Weston-super-Mare en Angleterre, sera déménagée à Calais, en France, où elle abritera des réfugiés.

(1) L’artiste Ai Weiwei reproduit la photo d’Alan Kurdi sur une plage de Lesbos

1er février 2016
http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/arts_et_spectacles/2016/02/01/002-ai-weiwei-pose-alan-kurdi-ile-lesbos-grece.shtml
Source : Radio Canada
http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/arts_et_spectacles/2016/02/17/002-weiwei-konzerthaus-berlin-gilets-sauvetage-migrants.shtml

Les organes des réfugiés mis en vente en Europe

Si les réfugiés sans sous ne gagnent pas l’Europe, en revanche, leurs organes y arrivent

5 juillet 2016

Le Daily Telegraph a révélé que les migrants qui n’ont pas les moyens de payer les passeurs sont vendus aux trafiquants d’organes.

Des organes de réfugiés mis en vente - Photo d'archives

Des organes de réfugiés mis en vente – Photo d’archives

Un scandale vient d’être divulgué par le Daily Telegraph : un trafiquant d’êtres humains repenti a confié à un responsable italien que les réfugiés qui ne peuvent pas payer leurs passeurs sont vendus pour leurs organes.

Selon la chaîne Al-Alam, un rapport publié aujourd’hui mardi 5 juillet à Rome, capitale de l’Italie, a levé le voile sur cet acte sinistre raconté par un trafiquant érythréen du nom de Noureddine Atta.

Interpellé en 2014 en Italie, selon ce rapport, Atta est le premier témoin étranger à bénéficier de l’immunité judiciaire italienne en échange d’informations sur le trafic d’êtres humains.

La police italienne, en se servant des informations obtenues d’Atta, a pu mettre la main sur plusieurs trafiquants d’êtres humains, de drogue et d’armes.

Le Daily Telegraph a précisé que les migrants qui n’ont pas les moyens de payer leur transit vers l’Europe sont vendus aux trafiquants d’organes 15 000 euros par tête.

Selon le témoignage d’Atta, la grande majorité des trafiquants d’organes sont des Égyptiens, qui revendent les organes des migrants.

La police italienne a démantelé une bande de trafiquants connue sous le nom de Petit Groupe de Rome. Il était composé de 25 Érythréens et de 12 Éthiopiens, assistés par deux Italiens.

Une parfumerie à Rome leur faisait office de chambre d’opération. 1 525 000 euros y ont été découverts.

Source : http://www.presstv.ir/DetailFr/2016/07/05/473730/Organes-des-rfugis-mises-en-vente

La France a accepté 27 % de réfugiés de plus en 2015

Par Maryline Baumard

Alors que l’Allemagne a dépassé le million de demandeurs d’asile en 2015, la France a connu, elle, une hausse bien plus faible. L’année dernière, 79 100 migrants ont choisi de déposer une requête de protection dans l’Hexagone, alors qu’ils avaient été 64 800 en 2014, selon les premières données complètes communiquées par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) pour l’année écoulée.

Cette augmentation de 22 % du nombre de demandeurs a abouti en fait à une hausse de 30 % du nombre de nouveaux réfugiés en un an, la France ayant été plus généreuse dans l’octroi de l’asile qu’en 2014. Ainsi, 31,5 % des migrants qui ont déposé un dossier ont été reconnus comme pouvant bénéficier de la Convention de Genève ou de la protection subsidiaire, les deux formes de protections qu’offre la France.

Alors que la tradition française voulait que, généralement, l’OFPRA rejette le dossier et que celui-ci soit finalement reconnu valide par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), en 2015, la machine s’est inversée.

L’OFPRA a plus protégé que l’instance administrative d’appel qu’est la CNDA, délivrant 24 % des statuts de réfugié, contre 7,5 % pour la CNDA. Cette nouvelle approche a permis de protéger 26 700 personnes en 2015, contre 21 000 l’année précédente, soit une augmentation de 27 %.

10 000 Syriens depuis le début du conflit

La nationalité des demandeurs n’est pas étrangère à cette hausse de la délivrance du statut. Pour la première fois en France, les Syriens arrivent en tête, et ils obtiennent quasiment tous la protection.

« Ils ont été plus de 5 000 à choisir la France cette année », relève Pascal Brice, le directeur général de l’OFPRA. « Si l’on compte en cumulé, cela fait plus de 10 000 Syriens demandeurs qui ont bénéficié de la protection de la France depuis le début du conflit en 2011», ajoute-t-il.

Suivent les Soudanais, dont le nombre avoisine aussi les 5 000 et les Irakiens avec un record de 2 100. Ces deux nationalités sont très présentes dans la jungle de Calais, où ont été menées des opérations spéciales pour inciter à demander l’asile.

En ce début d’année, le nombre d’arrivées d’Afghans est pourtant en train de dépasser celui des Syriens. Ce qui fait dire à M. Brice que « si 2015 est l’année des Syriens, 2016 risque d’être celle des Afghans ». Or, ces derniers se voient distribuer un peu moins généreusement le statut de réfugiés.

Toutes ces données sont les premières portant sur l’année 2015 dans son intégralité : le bilan annuel de l’OFPRA permettra d’affiner ces premiers éléments.

Il reste à noter que la montée en puissance s’est faite doucement sur l’année. En effet, les deux premiers trimestres de 2015 ne permettaient pas d’anticiper la hausse survenue durant les derniers mois de l’année.

Source : Le Monde  | 12.01.2016

http://www.lemonde.fr/immigration-et-diversite/article/2016/01/12/la-france-a-accepte-27-de-refugies-de-plus-en-2015_4845698_1654200.html

Entretien avec le Président d’Honneur de Revivre

Michel Morzière, une passerelle pour les réfugiés syriens

Ingénieur de métier, Michel Morzière se consacre depuis plus de dix ans, via son association « Revivre », à l’aide aux anciens prisonniers d’opinion en Syrie et plus récemment à l’accueil des réfugiés syriens. Ancien membre du conseil d’administration du Centre Primo Levi, il continue à travailler de pair avec l’association et imagine des missions communes de formation « quand la Syrie aura retrouvé la paix »…

Michel-Morzière

Comment en êtes-vous venu à vous engager en faveur des anciens prisonniers politiques syriens ?

J’ai toujours été un militant des droits deComment en êtes-vous venu à vous engager en faveur des anciens prisonniers politiques syriens ? l’homme. J’ai été pendant longtemps engagé dans un groupe d’Amnesty International, puis j’ai rejoint le siège à ma retraite. Mon épouse faisait partie de la coordination Syrie-Liban et moi de celle qu’on appelle « Israël – Territoires occupés – Autorité palestinienne ». Il se trouve que nous avons reçu chez nous pendant quelques jours un couple de réfugiés syriens qui était très connu de la diaspora syrienne. C’est après cette rencontre et toutes celles qui ont suivi qu’est née l’idée de monter une association pour venir en aide aux anciens prisonniers politiques syriens et à leur famille.

C’est donc à ce moment-là que vous avez créé l’association « Revivre » ?

Tout à fait. C’était en 2004. L’association est en fait née de l’émanation de Syriens opposés au régime d’Hafez al-Assad réfugiés en France et de militants d’Amnesty International dont nous faisions partie.

Nous avons commencé à aider d’anciens prisonniers d’opinion restés en Syrie, si possible en allant là-bas, que ce soit dans les démarches de visa auprès de l’Ambassade, dans l’achat de billets d’avion ou encore le financement de radiographies (à défaut de pouvoir financer des traitements médicaux complets).

Et depuis le début de la guerre en Syrie, comment faites-vous pour continuer à les aider ?

Evidemment, à partir de la révolution syrienne en 2011, il n’était plus question d’aller sur place. Nous nous sommes donc concentrés sur l’accueil de ceux qui arrivaient jusqu’ici, qui en général se retrouvent sans repères, sans toit ni connaissance de la langue. Autant la plupart des réfugiés originaires d’Afrique parlent le français et connaissent les réseaux en France, autant les Syriens sont perdus ici, donc il était nécessaire d’organiser leur accueil.

Grâce à un financement d’Euromed, nous avons pu mettre en place une permanence à la mairie du 20ème arrondissement de Paris ainsi qu’un ensemble de réseaux, principalement en Île-de-France mais aussi dans quelques autres régions : un premier réseau de familles qui sont prêtes à les accueillir dans l’urgence, quelques jours, et un deuxième réseau plus large pour prendre le relais. Composée de deux salariées et d’un ensemble de bénévoles, la permanence offre une aide à la fois sociale (hébergement, accès aux droits) et juridique (procédure d’asile).

D’autre part, nous avons mis en place un programme d’apprentissage du français en partenariat avec un organisme spécialisé, un programme d’accompagnement culturel (pics-nics, visites de musées…) et une enveloppe budgétaire pour les aides financières exceptionnelles.

Cela dit, nous avons réussi à maintenir aussi des projets scolaires sur place, en Syrie et en Turquie.

Quels sont vos liens avec le Centre Primo Levi ?

C’est à l’époque où j’étais encore à Amnesty International que je suis entré en contact avec le Centre Primo Levi. En tant que membre fondateur, Amnesty avait deux représentants au conseil d’administration du Centre et je m’étais proposé pour en faire partie. Depuis, nous sommes restés très proches. A une époque, nous avions le projet d’aller former ensemble des psychologues en Syrie mais nous nous sommes rendus à l’évidence que c’était irréalisable étant donné les circonstances.

En fait, le Centre Primo Levi est en quelque sorte le pendant psycho-médical de Revivre : nous orientons vers lui toutes les personnes dont nous ressentons un besoin d’être soignées, ce qui n’est pas toujours facile à faire émerger. Dernièrement, nous lui avons orienté un jeune de 23 ans qui est devenu aveugle il y a quelques mois, à la suite d’un largage de barils de plomb. Il a fui au Liban, mais comme ils n’avaient pas la possibilité de le soigner là-bas, il a voulu faire une demande de visa pour la France. Deux conditions lui ont été imposées : qu’il ait un rendez-vous aux Quinze-Vingt et qu’il paye 3000 euros ! Il a réussi à réunir les 3000 euros et arrivé en France avec un compatriote, il s’est retrouvé seul et sans aucune aide, avec seulement l’adresse de la permanence de Revivre en poche. Il a pu avoir rapidement le statut de réfugié et être hébergé chez des partenaires ; mais on vient de lui retirer l’allocation à laquelle il n’a plus droit en tant que réfugié statutaire, et à son âge il n’a pas encore droit au RSA. Pourtant il est de toute évidence encore incapable d’être autonome : il apprend seulement le braille…

Que pensez-vous du plan européen de relocalisation qui concerne en premier lieu les Syriens ?

Jusqu’à ce jour, quelques centaines de Syriens sont arrivés par ce biais en France. Malgré les quelques inconvénients de ce plan, notamment la répartition totalement arbitraire et donc les risques de séparations familiales, il s’agit de la « voie royale » pour les réfugiés : ils sont hébergés dans des centres à Paris qui se chargent de la procédure de dépôt de leur demande d’asile, puis ils sont envoyés dans un CADA, souvent en province. Ils obtiennent presque tous un statut de réfugié ou une protection subsidiaire, et ce dans des délais record. Mais ce plan n’est prévu que pour 30 000 personnes en ce qui concerne la France, or les besoins sont autrement plus importants : 800 000 sont arrivés en Europe depuis début 2015 et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés prévoit 600 000 nouvelles arrivées depuis la Turquie dans les quatre prochains mois. Selon Bruxelles, 3 millions de réfugiés syriens, irakiens et afghans arriveront d’ici fin 2017… Il y a donc nécessairement des « arrivées collatérales » qui continuent et qui continueront à avoir lieu. Et pour ceux-là, c’est beaucoup plus compliqué. Ce sont eux que nous retrouvons à notre permanence.

Comment imaginez-vous l’avenir de la Syrie et donc l’évolution de votre association ?

Je vois deux scénarios possibles. Ou bien ce conflit atroce se poursuit et des gens en situation de grande vulnérabilité continuent à arriver en France, auquel cas nous continuerons avec le Centre Primo Levi à leur servir de passerelle. Ou bien – ce qui n’est pas impossible car les grandes puissances commencent à prendre la mesure de la situation, ne serait-ce que par nécessité face à l’arrivée massive de réfugiés – on arrive à un accord de cessez-le-feu et de paix, auquel cas on organise ensemble une coordination sur place, en utilisant nos réseaux, pour soigner les traumatismes.

 

Source : http://www.primolevi.org/non-classe/michel-morziere-une-passerelle-pour-les-refugies-syriens.html

Un hôtelier bruxellois offre des chambres à des migrants

Un hôtelier bruxellois offre des chambres à des migrants

LE GÉRANT DE L’HÔTEL MOZART - © Tous droits réservés

LE GÉRANT DE L’HÔTEL MOZART – © Tous droits réservés

 

Alors que les autorités et les organismes officiels comme la Croix-Rouge ont du mal à accueillir tous les migrants qui arrivent dans notre pays, parfois des associations ou des privés viennent prêter main forte. C’est le cas gérant de l’Hôtel Mozart à deux pas de la Grand-Place, un habitué des gestes de solidarité à Bruxelles. Cela fait des années qu’il offre régulièrement plusieurs chambres de son hôtel aux SDF, aux sans-papiers, et à tous les gens dans le besoin. Depuis plusieurs mois il héberge chaque soir des migrants.

Depuis la période du camp du Parc Maximilien, Ahmed Ben Abderrahmane, accueille régulièrement ceux qui ne savent pas où loger. Il donne la priorité aux familles comme pour celles qui sont ici depuis mardi soir : « Voilà ce sont deux familles qui habitent ici l’une est syrienne avec trois enfants, l’autre vient d’Irak, ils sont montés d’Irak vers la Syrie et ils ont continué, ils ont traversé dix pays pour arriver jusqu’ici… »

« Je fais du bien aux gens »

Ces familles sont hébergées dans une des 47 chambres de l’hôtel. Certains soirs, il y a plus de 50 personnes qui logent ici, et le gérant leur offre aussi des repas : « Aujourd’hui c’est des lentilles et des pommes de terre, ce n’est rien, un kilo de lentilles cela coûte combien ? Un euro et quelques… et le pain je vais le chercher gratuitement chez le boulanger là… Avec peu tu peux faire beaucoup… »

Quant aux clients de l’hôtel la situation ne les gêne pas déclare le gérant : « Il y a des gens qui viennent parce qu’ils ont entendu que je fais du bien aux gens et ça c’est formidable. Et ce matin il y avait de clients français et italiens qui ont vu des Syriens et des Afghans et des Irakiens occupés à déjeuner et ils ont trouvé cela formidable. »

 

Source :

https://www.rtbf.be/info/regions/bruxelles/detail_un-hotelier-bruxellois-offre-des-chambres-a-des-migrants?id=9127427

A la porte de Saint-Ouen, des familles syriennes désespèrent de voir le bout de l’errance

Rencontre avec les occupants de ce campement à l’écart des réseaux de solidarité

Ces quelques familles syriennes ont fui les bombardements, parcouru des milliers de kilomètres, traversé des frontières de dizaines d’États et risqué leur vie en mer. Le temps du repos n’est pourtant pas encore venu : en contrebas du périphérique parisien, elles survivent, dans une extrême précarité, à la porte de Saint-Ouen où elles ont installé leurs abris de fortune. Tentes, matelas et couvertures ont été posés à même le sol poussiéreux d’une allée régulièrement empruntée par des bus rentrant au dépôt, manquant à tout moment de blesser les enfants. Un trotteur gît dans un coin, des figurines d’animaux dans un autre. Deux petits courent dans tous les sens.

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Des familles syriennes dorment à la rue en bordure du périphérique, porte de Saint-Ouen à Paris. (CF)

Ce jeudi après-midi, une dizaine d’hommes, entre vingt et trente ans, discutent, appuyés sur le muret longeant la bretelle menant à la voie rapide. Une femme donne des biscuits à sa fille, tandis qu’une autre, enceinte, se repose sur une chaise pliante. Repéré il y a deux, trois semaines, le campement est occupé par intermittence par quinze à soixante personnes, qui vont et viennent, en fonction des ressources dont elles disposent pour se payer une chambre d’hôtel. Ou poursuivre plus loin leur chemin. Des Syriens dormant à la rue, les associations de défense des droits des étrangers n’en avaient plus vus depuis un an, dans la région parisienne en tout cas.

À l’écart, Mustafa, 26 ans, retire son casque audio. Il propose de faire écouter George Wassouf, le célèbre chanteur syrien. Le son de son portable est monté à fond. Mais la musique, couverte par l’incessant brouhaha des voitures, est à peine audible. Avenant, il accepte de raconter son histoire.« C’est une vraie guerre là-bas, la moitié de ma famille a été décimée », affirme-t-il, étonné qu’on lui demande pourquoi il est parti de chez lui. « Un jour, je m’étais absenté. Quand je suis revenu mon père et mon frère étaient morts. »

Il est originaire de Lattaquié, l’un des grands ports, situé sur la façade méditerranéenne. « Il n’y a plus de Syrie. La Syrie que j’ai connue n’existe plus. Que faire ? » poursuit-il. L’idée de quitter sa terre natale ne lui avait jamais traversé l’esprit avant l’éclatement de la guerre, en 2011. Il parle de sa vie d’alors comme d’un lointain souvenir heureux. « J’étais peintre en bâtiment. J’avais du travail, ma famille, mes amis, une maison, je vivais bien là-bas. Je n’avais aucune envie de partir. »La mort de ses proches l’a résolu à s’enfuir. Une vague destination en tête : la Belgique dont il a entendu parler par le bouche-à-oreille dans son quartier. Après avoir rassemblé quelques affaires, et le plus d’argent possible, il se dirige vers Beyrouth au Liban, où il travaille plusieurs mois, sans penser à s’y installer. « Il y avait trop de Syriens là-bas, la concurrence était trop rude sur les chantiers. »

À l’aide de faux papiers libanais, il s’envole pour Tunis et traverse l’Algérie en voiture-taxi. Arrivé aux abords de Melilla, enclave espagnole au Maroc, il n’a pas à franchir les hauts barbelés : un document de circulation acheté à un commerçant marocain lui suffit pour entrer dans l’Union européenne. De ces mois de périples éprouvants, il sort indemne. Presque pimpant, la barbe coupée de près, fausses Ray-Ban à portée de main. « Je suis célibataire, c’est plus facile », explique-t-il. À Barcelone, il prend le train, direction Paris. C’était il y a un an. Depuis, l’errance n’a pas cessé. Un détour en Belgique ne le convainc pas. De retour en France, il s’arrête à Lille, entame une procédure de demande d’asile, mais, inquiet d’avoir été reçu à la préfecture par des policiers et découragé par les délais, il renonce à se rendre au rendez-vous auquel il est convoqué, quelques semaines plus tard. Il n’est pas facile de comprendre ses réticences à poursuivre ses démarches car, en tant que Syrien, il a presque 100 % de chance d’obtenir le statut de réfugié dans l’Hexagone. Il dit ne pas être au courant.

 

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Mustafa s’inquiète pour sa mère restée en Syrie. (CF)

« Il y a autre chose, confie-t-il, en pliant et dépliant le papier jauni sur lequel est inscrite la date du rendez-vous raté. J’ai déserté. Si je suis enregistré et qu’ils me retrouvent, je suis mort. » « Tout cela ne sert à rien », estime-t-il, craignant les représailles contre sa famille restée au pays. « En plus, en Espagne, ils ont pris mes empreintes. Est-ce que je risque d’être renvoyé là-bas ? » Il n’a pas tort de s’alarmer : les États européens, à la faveur des accords de Dublin, renvoient les étrangers sans autorisation de séjour vers le premier pays de l’UE qu’ils ont traversé (pour peu qu’il existe des traces de leur passage). Selon la loi, il est susceptible d’être “réadmis” en Espagne, supposée examiner sa demande d’asile. Son sourire ne trompe pas : Mustafa a l’air perdu. « Je pense sans cesse à ma mère. Je m’inquiète pour elle tout le temps, et ne j’ai pas les moyens de la sauver », se désespère-t-il. Avec elle, il communique via WhatsApp. Il montre sa page Facebook et la liste de ses “amis”. Bientôt, la nostalgie le rattrape. « J’en ai marre, je n’ai plus d’espoir de rien. Je n’ai nulle part où aller », lance-t-il.

Michel Morzière tente de le rassurer. Ce responsable associatif, cofondateur de l’association Revivre, l’une des seules à venir en aide aux réfugiés syriens en Île-de-France, propose de démêler ses problèmes les uns après les autres. Il a l’habitude de ces situations complexes faites d’allers-retours et d’hésitations. « Ces parcours ne se laissent pas saisir facilement. Il faut du temps pour les appréhender », indique-t-il, reprochant aux pouvoirs publics de le laisser gérer seul ce premier accueil. La France n’est pourtant pas submergée par les demandes d’asile de Syriens, qui rejoignent en priorité l’Allemagne et la Suède où ils ont de la famille et où les places d’hébergement sont immédiatement accessibles. Depuis le début du conflit, la France n’a accueilli qu’environ 6 000 de ces ressortissants, sur 4 millions de réfugiés dans le monde, principalement dans les pays voisins.« Beaucoup des Syriens passés par Saint-Ouen ont des origines nomades, poursuit-il. Ce sont des artisans, des commerçants, qui ne cherchent pas forcément à se fixer. Ils ont des contacts dans plusieurs pays d’Europe et du Maghreb. Ils évitent de parler de politique et se méfient des procédures administratives. » Parmi ceux qu’il a rencontrés, certains refusent de laisser leur passeport à l’État français en échange du statut de réfugiés, car ils redoutent de ne jamais le récupérer et de ne plus revoir leur famille.

« Les pouvoirs publics espèrent que le campement va se disloquer de lui-même »

À 20 ans, Ramadan, venu accompagné de sa femme, de sa mère et de ses trois sœurs, via la Turquie, la Grèce et l’Italie, ne voit pas non plus le bout du tunnel. Pour une autre raison : il a perdu son passeport. Lors de la traversée de la Méditerranée, ses affaires sont passées par-dessus bord. « À Paris, je suis allé à l’ambassade, indique-t-il, mais la porte était fermée. Je veux demander l’asile, mais je ne peux pas ! » Peut-il faire sans ? Ne pas avoir de passeport complique fortement les démarches, surtout en l’absence de contacts entre la France et l’état civil syrien. Il est anxieux, il ne sait plus quoi faire. Mais, à la différence de Mustafa, il a trouvé un logement. Une chambre, plus exactement, louée 400 euros partagés entre huit personnes. Le campement, il y passe fréquemment pour trouver du réconfort auprès de ses compatriotes, qui, comme lui, ont entendu parler de Saint-Ouen comme d’un point de rendez-vous sur la route de l’exil.

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Plusieurs familles vivent dans une extrême précarité avec des enfants en bas âge. (CF)

Ali, 27 ans, est tout aussi bloqué. Les traits tirés, il tient son récépissé de demandeur d’asile entre les mains. Tout est en ordre : il s’est rendu aux convocations, comme prévu. Mais l’hébergement auquel il est censé avoir droit ne lui a pas été attribué. « Ils m’ont dit qu’ils me rappelleraient. Cela fait trois mois que ça dure. Et toujours pas de nouvelles », s’impatiente-il. En attendant, il dort avec sa femme et ses enfants dans une voiture garée à proximité. « C’est inadmissible, le système d’asile dysfonctionne tellement que les gens abandonnent. À croire que l’État le fait exprès », tonne Michel Morzière, qui propose à son interlocuteur de l’accompagner à la Coordination de l’accueil des familles demandeurs d’asile (Cafda) dans le XXe arrondissement de Paris, dans l’espoir d’accélérer la procédure. Ali acquiesce, remercie, mais n’a pas l’air d’y croire, comme s’il s’était promis de ne plus rien attendre de personne.

Isolés dans ce recoin de Paris, les Syriens de la porte de Saint-Ouen risquent de traverser l’été sans soutien. À deux reprises, des conducteurs baissent leur vitre et les insultent. Personne sur le campement ne s’en offusque. Des voisins, disent-ils, leur apportent de l’eau, du pain et des vêtements. Mais aucun réseau de solidarité ne s’est constitué comme dans le XVIIIearrondissement, autour de La Chapelle, Pajol et Éole, où se retrouvent les Érythréens et Soudanais en transit. Des policiers passent dans l’allée. Sans s’arrêter. Ils ont reçu des consignes, ils ne font que compter. « Les pouvoirs publics en font le moins possible. Ils espèrent que le campement va se disloquer de lui-même, observe Michel Morzière. Ils espèrent que les gens vont s’éparpiller, disparaître dans la nature. » À la mairie de Paris, on assure être averti de la présence de familles à la rue. Des propositions de « prises en charge » ont été faites, indique-t-on, ce que les intéressés démentent. « Ces personnes sont mobiles, elles vont et viennent. Nous connaissons mal leurs intentions », ajoute-t-on.

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Michel Morzière, de l’association Revivre, se retrouve seul à gérer le premier accueil de ces Syriens en France. (CF)

Les autorités ont pourtant l’expérience de la situation. En avril 2014, environ 200 Syriens au profil similaire avaient déjà trouvé refuge à quelques centaines de mètres de là. Face à l’urgence humanitaire, l’État et l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) avaient proposé une réponse sur-mesure en organisant une sorte de “guichet unique” : au lieu d’attendre des semaines les rendez-vous successifs, tout était organisé sur une journée. En même temps que leur récépissé, la moitié des personnes présentes sur le campement avait obtenu une place dans un centre d’hébergement. Certaines à Roanne dans la Loire, d’autres à Chambéry en Savoie, d’autres ailleurs encore. Les tentes avaient disparu. En juillet 2014, un nouveau campement s’était formé. Que des Syriens, 150 personnes. « Ni l’État ni la ville n’étaient intervenus de peur de l’appel d’air », regrette Michel Morzière. Au bout de quelques semaines, en l’absence d’aide, les familles étaient parties d’elles-mêmes, sans demander leur reste. Ni leurs droits.

27 JUILLET 2015

Source : http://www.mediapart.fr/article/offert/42d8971a9a9cc152343d814e5d643db0