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La nouvelle Syrie marche sur des œufs, … mais elle marche

Depuis 5 mois, les Syrien-ne-s vivent dans un entre-deux, sortant d’un passé épouvantable et étouffant, et avançant lentement à la fois hébété et dans une joie indicible, vers un avenir incertain qui peut basculer, d’un coup ou lentement, vers le meilleur ou vers le pire.

Les massacres du début mars 2025, déclenchés par une tentative d’insurrection des fidèles de l’ancien régime de Bachar Al-Assad auxquels des milices islamistes ont répondu par une vengeance aveugle inhumaine, sont un avertissement : ce qui était probable, est malheureusement advenu. Plus récemment, les attaques contre des druzes à partir de la propagation d’un message blasphématoire faussement attribué, a dégénéré en combats entre des factions armées diversement affiliées… Il ne suffit que d’une rumeur ou d’un conflit très localisé pour que la situation s’emballe aussitôt et dégénère. La preuve est ici faite que la nouvelle Syrie marche sur des œufs, … mais elle marche… certes avec difficulté.

Les nouvelles autorités – en sous-effectif de personnel compétent – reconstruisent un tissu de relations pour refaire Nation, et pactise avec tous les pays voisins pour attirer les partenariats et obtenir la levée des sanctions internationales. En imposant des conditions préalables disproportionnées qui vont différer durablement la levée des sanctions, les Syriens progressivement aigris ne risquent-ils pas d’être poussés dans les bras de tous ces groupes sectaires ou extrémistes plus ou moins en veilleuse. Malgré les nombreux signes d’ouverture posés par le nouveau régime en quelques mois (certes tout n’est pas parfait), il n’y en a pas encore assez pour plaire à la plupart des chancelleries. A partir de quand la France ouvrira-t-elle son ambassade pour manifester son appui aux forces de la liberté et de la démocratie, que portent des réfugiés syrien-ne-s sous protection internationale de la France ?

Les amis de l’ancien régime de Bachar – y compris en France où ils sont nombreux – ne manquent pas de taper sur les nouvelles autorités à la moindre occasion, de demander à El-Charaa un certificat de déradicalisation, de grossir le moindre évènement qui alimente leurs thèses, de diffuser de fausses informations, de semer la peur, etc. On n’en demandait pas autant quand ces nombreuses délégations politiques négociaient la normalisation des relations avec Bachar Al-Assad.

Pendant que les nouvelles autorités engagent des concertations et des accords avec un grand nombre d’institutions, la société civile syrienne fourmille d’une grande quantité d’initiatives, de toute nature, le plus souvent en étroite relation avec sa vaste diaspora de réfugié-e-s.

N’est-ce pas cette société civile qui a facilité la prise de pouvoir par la modeste troupe armée de HTC en décembre 2024 (certes bien coordonnée) ? N’est-ce pas elle qui périodiquement parvient à bloquer certaines décisions radicales de HTC ? N’est-ce pas elle qui s’est aussitôt préoccupée du sort des détenu-e-s et des disparu-e-s ? N’est-ce pas elle qui s’auto-organise dans les hôpitaux, les écoles, dans la vie de quartier, etc. pour compenser l’absence d’Etat ? N’est-ce pas l’image de sa vivacité qui devrait retenir l’attention des chancelleries ?

La chance de la nouvelle Syrie – dans cet entre-deux très incertain – est sa société civile associée à son énorme diaspora qui s’est formée dans les pays de refuge. C’est sa force ; c’est peut-être son ultime assurance-vie face aux erreurs du nouveau régime, aux lourdeurs des institutions internationales, aux agressions sporadiques des anciens amis de Bachar, aux pays voisins semeurs de chaos et aux reliquats de milices islamistes.

Que l’on arrête de souffler sur les braises encore chaudes de 54 ans de dictature et de divisions ! 

Aidons cette société civile à traverser cet entre-deux vers une Syrie Libre et Démocratique. 

Frédéric Anquetil

Secrétaire Général de Revivre