Communiqué : Paris le 23 juillet 2025
Le drame de Soueida : vers un cessez-le-feu fragile et un avenir incertain
Depuis le 13 juillet 2025, la province de Soueïda est le théâtre d’affrontements d’une violence inédite entre milices druzes, tribus bédouines et forces de sécurité du gouvernement transitionnel syrien. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), le bilan humain est tragique : plus de 1 120 morts recensés au 20 juillet, dont 516 entre le 13 et le 17 juillet. De nombreux villages ont été incendiés et des centaines d’exécutions sommaires ont été rapportées, des victimes civiles des deux côtés.
Un cessez-le-feu, négocié sous l’égide des États-Unis, de la Turquie et de plusieurs pays arabes, est entré en vigueur le 19 juillet. Il a permis l’évacuation de quelque 1 500 civils bédouins vers Deraa sous escortes sécurisées et la reprise partielle de l’aide humanitaire. Cependant des épisodes de violence sporadiques persistent, avec des expulsions des familles bédouines et des exécutions sommaires documentées, malgré l’intervention de l’appareil sécuritaire du nouveau régime.
Parallèlement, Israël a mené des frappes aériennes ciblant des positions militaires syriennes à Soueïda et Damas, invoquant comme prétexte la protection de la minorité druze. Il apparaît que ces frappes ont visé le ministère syrien de la Défense et des bases militaires syriennes le 16 juillet. Ces frappes ne font que radicaliser les Syriens à l’égard d’Israël.
Un cessez-le-feu Israël–Syrie a été établi sous médiation américaine.
Une crise humanitaire d’ampleur
L’afflux de milliers de déplacés – plus de 128 500 personnes – a engendré une crise humanitaire sévère : routes coupées, hôpitaux saturés, services publics au bord de l’effondrement. Malgré l’arrivée des premiers convois d’aide sur site, la situation reste instable et alarmante.
En parallèle, d’autres violences ont ensanglanté la Syrie ces derniers mois :
- En mars 2025, plus de 1 400 personnes, civils et militaires confondus, ont été tuées dans la zone côtière lors d’une attaque menée par des miliciens Alaouites affiliés à l’ancien régime de Bachar Al-Assad contre des soldats du gouvernement transitionnel. Cette attaque a déclenché une vague de violences sectaires d’une extrême intensité, non ordonnée par les autorités actuelles. Il s’agit là de l’épisode le plus meurtrier depuis la chute d’Assad.
- En mai 2025, à Jaramana et Achrafiah’Sihnayah, en banlieue de Damas, un message blasphématoire non vérifié a provoqué une flambée de violences entre miliciens druzes et forces de l’ordre, entraînant la mort de plus de 100 personnes. Cet incident témoigne de la fragilité extrême du climat intercommunautaire et de la dangerosité des rumeurs dans un contexte de tension exacerbée.
- Le 22 juin 2025, un attentat-suicide à l’église orthodoxe grecque Saint‑Élie a causé 25 morts et 63 blessés.
Cette montée de violences intercommunautaires fragilise toute perspective de paix durable, et met gravement en péril la cohésion sociale syrienne et les efforts de réconciliation.
Réactions internationales
Sur le plan régional, la Turquie, via son ministre des Affaires étrangères, a averti qu’elle interviendrait contre toute tentative de partition de la Syrie, accusant Israël de vouloir déstabiliser le pays en attisant les tensions entre Druzes et Bédouins.
Du côté occidental, les États-Unis ont exprimé une forte préoccupation. Le sénateur Marco Rubio annonce un appui diplomatique renforcé, tandis que l’envoyé spécial Tom Barrack confirme son rôle actif pour consolider le cessez-le-feu et dénoncer l’intervention israélienne, jugée contre‑productive.
Pour une paix juste et durable en Syrie
Il est impératif que :
- Tous les responsables de massacres, d’exactions et de violences contre les civils soient traduits en justice, sans distinction de camp ou de confession.
- Un véritable processus de justice transitionnelle soit mis en œuvre, fondé sur des principes d’indépendance, de transparence et de représentativité.
- Les Syriens et Syriennes, quelles que soient leur origine ou leur foi, puissent enfin voir se concrétiser leur aspiration légitime à une Syrie libre, unie, plurielle, stable et démocratique.
Sans justice, il ne peut y avoir de paix durable. Sans reconnaissance des torts, il ne peut y avoir de réconciliation.
Il est temps d’engager un processus sincère de vérité, de réparation et de refondation nationale, afin que chaque Syrien et chaque Syrienne puisse vivre en sécurité, dans la dignité et la paix dans une Syrie libre, unie, plurielle, prospère, stable, souveraine et démocratique.