La Syrie, notre propre humanité en question – vidéo conférence-débat

A l’invitation de M. le député Guillaume Gouffier-Cha, vice-président du Groupe d’études à vocation internationale France-Syrie, Revivre a organisé une conférence-débat, animée par Isabelle Hausser, écrivaine, le lundi 25 mars 2019, à l’Assemblée nationale, sur le sujet de

 «  La Syrie, notre propre humanité en question ».

Retrouver la vidéo de la conférence pour revoir cette conférence ou la découvrir si vous n’avez pu être présents avec nous :

 

Intervenants :

– Ziad Majed

Politologue, essayiste et chercheur franco-libanais. Il est auteur et co-auteur d’ouvrages, d’articles et d’études sur les réformes, les transitions démocratiques, les élections, la société civile et la citoyenneté au Liban, en Syrie et dans la région arabe. Auteur de La Révolution orpheline et Dans la tête de Bachar al-Assad.

– Garance Le Caisne

Journaliste indépendante. Après avoir vécu au Caire dans les années 1990, elle a couvert les printemps arabes et se rend régulièrement en Syrie. Ses reportages ont été publiés entre autres dans Le Journal du Dimanche et L’Obs.. Auteur de « Opération César – Au cœur de la machine de mort syrienne » 

– Joël Hubrecht

Spécialiste de la justice pénale internationale, responsable du programme Justice pénale internationale et justice transitionnelle de l’IHEJ – Institut des Hautes Études sur la Justice.

 Michel Morzière

Président d’honneur de l’association Revivre, Association qui depuis 2004 soutien les prisonniers d’opinion syriens, les  réfugiés en France et en Syrie.

« Pas de relations diplomatiques avec un État de barbarie »

« Pas de relations diplomatiques  avec un État de barbarie »

Pétition Syrie

Destinataire : Monsieur le Président de la République Française

Août 2018

Avec cynisme, depuis le début du mois de juillet, le régime de Bachar al-Assad publie des listes de détenus morts dans ses prisons, sorte de solde de tout compte pour achever d’accabler les familles qui conservaient encore une lueur d’espoir sur la vie de leur être cher. Nous savons que des dizaines de milliers de prisonniers – hommes et femmes, parfois très jeunes – sont morts sous la torture ou par suite des conditions inhumaines de leur détention. Le gazage des populations, les viols systématiques d’hommes et de femmes dans les prisons du régime, les destructions d’habitations, d’écoles et d’hôpitaux, l’usage d’armes prohibées comme les barils de poudre et les bombes au phosphore, sont des crimes de guerre et des crimes contre l’Humanité, aujourd’hui largement documentés par les ONG et la Commission d’enquête internationale de l’ONU. Monsieur le Président de la République, lors de la campagne pour l’élection présidentielle vous avez adressé le 16 avril 2017 au Collectif pour une Syrie Libre et Démocratique la réponse suivante :

« Bachar Al-Assad a commis des crimes de guerre contre son peuple. Son maintien au pouvoir ne peut en aucun cas être une solution pour la Syrie. Il n’y aura pas non plus de paix sans justice et donc les responsables des crimes commis, notamment des attaques chimiques, devront en répondre. La France continuera d’agir au Conseil de sécurité en ce sens, malgré l’obstruction systématique d’un des membres permanents ». Devant l’ampleur des crimes commis en Syrie par le régime Assad, la réal-politique doit s’effacer devant l’attitude de justice et d’humanité que nous devons à un peuple martyrisé.

Pas d’impunité pour Bachar al Assad et ses complices. Par respect pour les victimes, et pour l’honneur de la France, pas de relations diplomatiques avec un État de barbarie.

Détenus cage

Photo : © NAJAH ALBUKAI – Damas (Syrie) 2014, centre des renseignements militaires, branche 227 au rez-de-chaussée. Dans ce qui est appelé par les détenus «la cage», des détenus portent le corps de l’un des leurs. Date du dessin : 2015

 

Premiers signataires* : Nadia Aissaoui, Sociologue et féministe ; Yves Aubin de La Messuzière, ancien Ambassadeur de France ; Édith Bouvier, Journaliste ; François Burgat, Politologue, Aix-en-Provence ; Philippe Büttgen, Professeur de Philosophie ; Monique Cerisier-ben Guiga, Sénatrice honoraire ; Olivier Faure, Parlementaire ; Éric Favey, Président d’association ; Jacques Gaillot, Évêque émérite de Partenia ; Raphaël Glucksmann, Essayiste ; Benoît Hamon, ancien ministre ; Isabelle Hausser, Écrivain ; Joël Hubrecht, Chercheur (Justice internationale) ; Yannick Jadot, Député européen ; Annie Lahmer, Conseillère régionale ; Gérard Lauton, Universitaire ; Garance Le Caisne, Journaliste, Auteure de « Opération César, au cœur de la machine de mort syrienne » ; Agnès Levallois, Consultante ; Ziad Majed, Professeur universitaire ; Franck Mermier, Directeur de recherche au CNRS ; Michel Morzière, Militant pour les Droits Humains ; Marie Peltier, Historienne ; Ernest Pignon-Ernest, Plasticien ; Raphaël Pitti, Médecin Humanitaire, Conseiller municipal de Metz ; Christine Revault d’Allonnes-Bonnefoy, Députée européenne ; Leïla Vignal, Maîtresse de Conférences ; Emmanuel Wallon, Professeur de sociologie politique. *

* le 14/08/2018

https://bit.ly/2MoRdIc

 

 

 

 

Syrie : d’anciens détenus racontent la torture et le trafic d’organes dans les prisons

Plus de 12 500 personnes ont péri dans les prisons syriennes en cinq années de guerre, d’après les défenseurs des droits de l’homme. MEE a recueilli les témoignages de deux survivants

Lizzie Porter

28 août 2016

A handout picture released by the official Syrian Arab News Agency (SANA) shows some of the 274 inmates being readied for release from the Damascus Central Prison on June 11, 2014. Several dozen prisoners were also released from Syrian government custody on June 10 after a general amnesty announced by President Bashar al-Assad, a human rights lawyer told AFP.  AFP PHOTO/HO/SANA == RESTRICTED TO EDITORIAL USE - MANDATORY CREDIT "AFP PHOTO / HO / SANA" - NO MARKETING NO ADVERTISING CAMPAIGNS - DISTRIBUTED AS A SERVICE TO CLIENTS === / AFP PHOTO / SANA / -
Les prisonniers de la prison centrale de Damas relâchés le 11 juin 2014. Les familles de certains détenus doivent payer des pots-de-vins très élevés pour assurer leur libération (AFP)

STOCKHOLM – Omar al-Shogre avait 17 ans lorsqu’ils sont venus le chercher. Ce jour d’automne 2012, alors que l’on récoltait les olives et que les abricotiers du jardin familial perdaient leurs feuilles, fut son dernier moment de liberté pendant presque trois ans.

Omar allait passer le reste de son adolescence dans onze prisons syriennes au total, et subir des actes de torture d’une multitude d’agents appartenant au sinistre et perfectionné appareil de sécurité du gouvernement. « Je pourrais boire leur sang », confie Omar à Middle East Eye, à Stockholm où il réside maintenant, la voix trahissant sa soif de vengeance.

Sa famille a participé au soulèvement de 2011 contre le gouvernement de Bachar al-Assad dans la province de Tartous, sur la côte méditerranéenne syrienne. Ils faisaient partie d’une minorité sunnite au cœur du groupe alaouite dominant au gouvernement. Omar n’a pas su pourquoi il avait été arrêté. Ses interrogateurs l’ont ensuite forcé à avouer de fausses opérations de faux et usage de faux.

À Tartous, il a été torturé par électrocution – au niveau du cou, des bras, des jambes et des parties génitales. Dans d’autres circonstances, les prisonniers étaient contraints de manger du sel avant de se voir offrir un peu d’eau pour soulager leur soif. Mais leur pénis était alors ficelé, ce qui les empêchait d’uriner et leur causait d’intenses douleurs aux reins.

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Omar, pris récemment en photo à Stockholm, après s’être échappé de prison (MEE)

On l’a ensuite déplacé à la section 215, connue comme la « Brigade du Raid », rue du 6-Mai à Damas, à moins de 5 kilomètres de la Grande Mosquée des Omeyyades et dans un quartier entouré de centres commerciaux et d’hôtels. Omar allait passer l’année suivante derrière ces murs.

C’est là qu’il a commencé à comprendre le sens du mot « faim » : les prisonniers n’avaient bien souvent rien à manger pendant plusieurs jours. Puis, on leur servait quelques pommes de terre et des œufs, mais souvent recouverts de sang ou de moisissures. « Tout cela a duré des mois », raconte Omar. « On avait tellement faim qu’on en pleurait. »

Il y avait toujours des tortures supplémentaires les jours de fête, lors des fêtes musulmanes de l’Aïd al-Fitr et l’Aïd al-Adha, par exemple, ou encore la fête des mères. Des « fêtes de la torture », comme les avait appelées Omar.

Le père du jeune homme a été tué lors du massacre d’al-Bayda en mai 2013, au cours duquel des centaines de sunnites ont été assassinés. Les cousins d’Omar, Bashir et Rashad, qui avaient été arrêtés avec lui, sont tous les deux morts en prison.

Mais il n’y avait pas d’énergie à perdre pour la tristesse et le deuil. Omar a plutôt choisi de se créer une famille autour de lui dans la section 215. « C’était la meilleure école », souligne-t-il.

Lorsque les amis disparaissaient tout simplement

Les prisonniers avaient des nationalités et des origines différentes. Ils partageaient leurs compétences, professions et langues. Ils apprenaient à répartir leurs toutes petites rations de nourriture avec les fils des uniformes militaires qu’ils étaient obligés de porter et à tuer les poux qui avançaient lentement sur leur corps.

Omar se souvient de deux détenus avec une tendresse toute particulière : Bara’a Manieh, de la campagne de Damas, était un meneur naturel et il était « toujours heureux ». Radwan al-Eisa, originaire de Hama, était devenu un ami très proche. Mais avec le temps, les deux ont été emmenés par des officiers. Leurs orteils ont été brûlés avec de l’acide et on leur a crevé les yeux. Personne ne les a jamais revus vivants.

La dernière prison que connu Omar fut la célèbre prison de Saidnaya, au nord de Damas. Lors de la « fête de bienvenue », comme la décrit désormais l’homme de 21 ans avec un sourire triste, il fallait mordre les composants en métal d’une cuve. « Rien que ça revenait à deux ans passés dans la section 215 », précise-t-il à MEE.

L’une de ses nombreuses « missions » était de se débarrasser des corps morts de ses codétenus. Un jour, il a vu une pièce remplie de cadavres. Aucun ne présentait les signes habituels de torture mais il y avait de larges plaies à la place de leur cœur, de leur foie et de leurs reins. Tout semblait désigner un vaste trafic d’organes.

Il était interdit de prier et de lire le Coran. Omar récitait donc ses sourates et ses versets dans sa tête. Il composait aussi des poèmes et des chansons dont il se souvient encore parfaitement même si depuis, il s’est lancé de nouveaux défis : celui d’apprendre le suédois, qu’il parle désormais couramment, et de travailler à Stockholm.

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Rashad (à gauche) et Bashir, les cousins d’Omar, décédés en prison (MEE)

S’il a pu fuir en Europe, c’est uniquement parce ce que sa mère a payé un pot-de-vin de 15 000 dollars à des officiers de sécurité syriens.

Omar pesait 35 kg lorsqu’il est sorti de prison. Il est revenu maintenant à ses 53 kg. Ses poumons ont été endommagés par la tuberculose contractée dans la prison Saidnaya. Dans un sens, ce fut une bonne chose, car lorsqu’il a quitté la Syrie et la Turquie, les officiers de police, le voyant vomir du sang, partaient à toute vitesse, de peur d’être contaminés.

Omar confie qu’il se sent maintenant « très heureux », « très bien ». Mais sa mère lui manque, tout comme ses frères et ses sœurs en Turquie, et sa famille de codétenus – ceux qui sont morts et ceux qui vivent encore l’enfer de la prison.

Omar répète sans cesse : « Bienvenue en Syrie ». Et il espère que le monde comprendra ce qu’il veut dire.

« La mort est une échappatoire à la douleur »

Yehia Rashid al-Salim, de Palmyre, ressent encore la douleur des coups. Installé aujourd’hui en Grèce, en espérant se réinsérer en Europe, il vit avec les cicatrices visibles des tortures subies, qu’il a montrées à MEE. Ce qu’il n’a pas pu montrer, ce sont les sinistres souvenirs ancrés dans sa mémoire.

« Il nous aurait été impossible de nous soulever comme l’ont fait les prisonniers de Hama ou de Souwayda », raconte-t-il à MEE en faisant référence aux récentes explosions de violence et aux mutineries dans deux prisons syriennes connues.

Yehia était détenu dans un centre de sécurité militaire où il était quasiment impossible de protester. « Personne n’osait se rebeller », a-t-il ajouté. « J’espère que les détenus de Hama réussiront à s’imposer – mais c’est impossible face aux forces de sécurité criminelles et prédatrices du régime ».

Cet ancien employé du ministère de l’Agriculture avait été arrêté à Palmyre – appelée Tadmor en arabe – alors qu’il rendait visite à son oncle le 19 octobre 2013, juste après avoir célébré l’Aïd al-Adha.

Il a été emmené à la section de la Sécurité militaire et y a été torturé pendant 22 jours. On l’accusait d’avoir rencontré l’Armée syrienne libre à Raqqa. Il clamait pourtant son innocence auprès de ses interrogateurs.

Yehia, qui a trois enfants âgés de 12, 10 et 6 ans, raconte à MEE avoir subi la méthode de torture appelée « al-Shabeh » (fantôme) : le prisonnier, mains menottées, est suspendu au plafond de sa cellule, à quinze centimètres du sol. Il est ensuite battu.

Il a ensuite été transféré à la section de Police militaire de la ville de Homs, puis à la « Section Palestine », célèbre prison à Damas où il subissait des tortures trois à quatre fois par jour.

La vie en cellule était « révoltante ». Les détenus étaient contraints de rester nus et les maladies infectieuses se propageaient rapidement. La tuberculose, les poux et la gale causaient des infections et faisaient des morts quasiment tous les jours.

« Le geôlier entrait et demandait ‘’Combien y a-t-il de morts aujourd’hui ?’’ », témoigne Yehia. « Nous mettions les corps au niveau de la porte de la cellule et ils étaient ensuite transportés dans un endroit inconnu. »

« Les plus chanceux mouraient, car la mort était un réel soulagement. Je souhaitais la mort à chaque prisonnier dès que c’était son tour. La mort était une manière d’échapper aux supplices, à la douleur, à la faim, à l’oppression, à l’humiliation, à tout ce qui se passait à l’intérieur ».

A l’hôpital de la police, les médecins ont diagnostiqué la tuberculose à Yehia. La maladie s’est avérée être son ticket de sortie – il a été libéré le 12 juin 2014, à la faveur d’une nouvelle loi prévoyant la libération des prisonniers souffrant de maladies graves.

Yehia a dépensé 75 000 livres syriennes, soit près de 3 500 dollars pour quinze jours de traitement dans un hôpital privé de Damas.

D’autres cliniques avaient refusé de le prendre au prétexte qu’il s’agissait d’un ancien prisonnier : le personnel avait peur des forces de sécurité. Lorsqu’il fut suffisamment robuste, Yehia quitta la capitale et se remit sur pied à Tadmor.

Mais à ce moment-là, l’EI avait commencé à menacer la ville, alors il décida de s’enfuir dans la province nord d’Idlib. Quelques mois plus tard, Yehia se retrouva dans le camp d’Idomeni, une ville de fortune pour quelque 10 000 réfugiés à la frontière gréco-macédonienne, fermée en mai dernier.

À son arrestation, il pesait 92 kg. Même après le temps de récupération depuis sa sortie de prison, il ne fait aujourd’hui que 67 kg. Il a mal au dos et a des problèmes nerveux aux mains et aux pieds dus aux violents coups reçus.

« Je porte encore aujourd’hui des cicatrices et des marques dans le dos. Je veux montrer les violences de ce régime criminel. Jusqu’à présent, je n’en ai pas eu l’occasion. Je veux que le monde voit ce qu’il se passe, toutes les violations du régime d’al-Assad envers les prisonniers. »

Crimes de guerre et impunité

Omar et Yehia font partie des dizaines de milliers de personnes détenues dans les prisons du gouvernement en Syrie, avant et pendant le conflit actuel qui a débuté en mars 2011.

Au cours des cinq dernières années, plus de 12 500 personnes sont mortes sous la torture dans les prisons, d’après le Réseau syrien pour les droits de l’homme.

Le gouvernement de Bachar al-Assad est responsable de 99 % de ces victimes, selon un rapport spécial publié en juin par le groupe de surveillance. D’autres civils – dont des femmes et des enfants – sont morts entre les mains du groupe EI et de Jabhat Fateh al-Sham, l’ancien Front al-Nosra.

Les preuves des actes de torture et les décès dans les prisons du gouvernement syrien sont de plus en plus nombreuses. En février, un rapport de la Commission d’enquête internationale des Nations unies, « Out of sight, out of mind (loin des yeux, loin du cœur », assimilent les actions du gouvernement à des crimes de guerre.

Les prisonniers « sont battus à mort ou décèdent à la suite de blessures graves provoquées par des actes de torture », souligne le rapport.

« Le gouvernement a commis des crimes contre l’humanité, exterminations, meurtres, viols ou autres formes de violences sexuelles, actes de torture, emprisonnements, disparitions forcées et bien d’autres actes inhumains. Basés sur la même conduite, des crimes de guerre ont également été commis. »

Le droit international des droits de l’homme prévoit que les gouvernements doivent enquêter sur les décès des prisonniers sous son contrôle, et l’État en question peut être tenu pour responsable des morts s’il ne respecte pas cette obligation.

Les crimes, les actes de torture et les exécutions sans procédure régulière sont formellement interdits par les Conventions de Genève de 1949, que la Syrie a ratifiées.

Mais selon la législation nationale, le pays accorde une large immunité à ses services de sécurité et à sa police tout comme au président. Le rapport des Nations-unies a conclu que les « décès survenus en prison sont forcément connus des cadres supérieurs militaires. »

Des certificats de décès établissant que les prisonniers ont perdu la vie à la suite de « causes naturelles » ou d’une « crise cardiaque » sont adressés aux membres des familles, qui se voient régulièrement empêchés de récupérer les corps de leurs proches. Ces corps sont souvent présumés incinérés dans des fosses communes.

Le rapport de la commission a indiqué que cela faisait partie d’une « procédure centralisée et systémique » qui « cache efficacement les abus du système à l’encontre des détenus et les preuves des crimes perpétrés par les agents de l’État. »

Les conclusions du Réseau syrien des droits de l’homme concordent aussi avec ceux de la Commission des Nations-unies, qui a interviewé 621 personnes et recueilli les témoignages d’Omar et de Yehia. Le groupe accuse le gouvernement syrien de nier les actes de torture et d’accuser Al-Qaïda et d’autres groupes armés.

Le président du groupe, Fadel Abdul Ghani, a précisé : « Nous attendons toujours que le monde libre aille plus loin pour protéger l’humanité en Syrie, maintenant que ce mécanisme est démasqué. »

Mohammed Hassan al-Homsy a participé à ce reportage.

Source : MIDDLE EAST EYE

http://www.middleeasteye.net/fr/reportages/syrie-d-anciens-d-tenus-racontent-la-torture-et-le-trafic-d-organes-dans-les-prisons

Entretien avec le Président d’Honneur de Revivre

Michel Morzière, une passerelle pour les réfugiés syriens

Ingénieur de métier, Michel Morzière se consacre depuis plus de dix ans, via son association « Revivre », à l’aide aux anciens prisonniers d’opinion en Syrie et plus récemment à l’accueil des réfugiés syriens. Ancien membre du conseil d’administration du Centre Primo Levi, il continue à travailler de pair avec l’association et imagine des missions communes de formation « quand la Syrie aura retrouvé la paix »…

Michel-Morzière

Comment en êtes-vous venu à vous engager en faveur des anciens prisonniers politiques syriens ?

J’ai toujours été un militant des droits deComment en êtes-vous venu à vous engager en faveur des anciens prisonniers politiques syriens ? l’homme. J’ai été pendant longtemps engagé dans un groupe d’Amnesty International, puis j’ai rejoint le siège à ma retraite. Mon épouse faisait partie de la coordination Syrie-Liban et moi de celle qu’on appelle « Israël – Territoires occupés – Autorité palestinienne ». Il se trouve que nous avons reçu chez nous pendant quelques jours un couple de réfugiés syriens qui était très connu de la diaspora syrienne. C’est après cette rencontre et toutes celles qui ont suivi qu’est née l’idée de monter une association pour venir en aide aux anciens prisonniers politiques syriens et à leur famille.

C’est donc à ce moment-là que vous avez créé l’association « Revivre » ?

Tout à fait. C’était en 2004. L’association est en fait née de l’émanation de Syriens opposés au régime d’Hafez al-Assad réfugiés en France et de militants d’Amnesty International dont nous faisions partie.

Nous avons commencé à aider d’anciens prisonniers d’opinion restés en Syrie, si possible en allant là-bas, que ce soit dans les démarches de visa auprès de l’Ambassade, dans l’achat de billets d’avion ou encore le financement de radiographies (à défaut de pouvoir financer des traitements médicaux complets).

Et depuis le début de la guerre en Syrie, comment faites-vous pour continuer à les aider ?

Evidemment, à partir de la révolution syrienne en 2011, il n’était plus question d’aller sur place. Nous nous sommes donc concentrés sur l’accueil de ceux qui arrivaient jusqu’ici, qui en général se retrouvent sans repères, sans toit ni connaissance de la langue. Autant la plupart des réfugiés originaires d’Afrique parlent le français et connaissent les réseaux en France, autant les Syriens sont perdus ici, donc il était nécessaire d’organiser leur accueil.

Grâce à un financement d’Euromed, nous avons pu mettre en place une permanence à la mairie du 20ème arrondissement de Paris ainsi qu’un ensemble de réseaux, principalement en Île-de-France mais aussi dans quelques autres régions : un premier réseau de familles qui sont prêtes à les accueillir dans l’urgence, quelques jours, et un deuxième réseau plus large pour prendre le relais. Composée de deux salariées et d’un ensemble de bénévoles, la permanence offre une aide à la fois sociale (hébergement, accès aux droits) et juridique (procédure d’asile).

D’autre part, nous avons mis en place un programme d’apprentissage du français en partenariat avec un organisme spécialisé, un programme d’accompagnement culturel (pics-nics, visites de musées…) et une enveloppe budgétaire pour les aides financières exceptionnelles.

Cela dit, nous avons réussi à maintenir aussi des projets scolaires sur place, en Syrie et en Turquie.

Quels sont vos liens avec le Centre Primo Levi ?

C’est à l’époque où j’étais encore à Amnesty International que je suis entré en contact avec le Centre Primo Levi. En tant que membre fondateur, Amnesty avait deux représentants au conseil d’administration du Centre et je m’étais proposé pour en faire partie. Depuis, nous sommes restés très proches. A une époque, nous avions le projet d’aller former ensemble des psychologues en Syrie mais nous nous sommes rendus à l’évidence que c’était irréalisable étant donné les circonstances.

En fait, le Centre Primo Levi est en quelque sorte le pendant psycho-médical de Revivre : nous orientons vers lui toutes les personnes dont nous ressentons un besoin d’être soignées, ce qui n’est pas toujours facile à faire émerger. Dernièrement, nous lui avons orienté un jeune de 23 ans qui est devenu aveugle il y a quelques mois, à la suite d’un largage de barils de plomb. Il a fui au Liban, mais comme ils n’avaient pas la possibilité de le soigner là-bas, il a voulu faire une demande de visa pour la France. Deux conditions lui ont été imposées : qu’il ait un rendez-vous aux Quinze-Vingt et qu’il paye 3000 euros ! Il a réussi à réunir les 3000 euros et arrivé en France avec un compatriote, il s’est retrouvé seul et sans aucune aide, avec seulement l’adresse de la permanence de Revivre en poche. Il a pu avoir rapidement le statut de réfugié et être hébergé chez des partenaires ; mais on vient de lui retirer l’allocation à laquelle il n’a plus droit en tant que réfugié statutaire, et à son âge il n’a pas encore droit au RSA. Pourtant il est de toute évidence encore incapable d’être autonome : il apprend seulement le braille…

Que pensez-vous du plan européen de relocalisation qui concerne en premier lieu les Syriens ?

Jusqu’à ce jour, quelques centaines de Syriens sont arrivés par ce biais en France. Malgré les quelques inconvénients de ce plan, notamment la répartition totalement arbitraire et donc les risques de séparations familiales, il s’agit de la « voie royale » pour les réfugiés : ils sont hébergés dans des centres à Paris qui se chargent de la procédure de dépôt de leur demande d’asile, puis ils sont envoyés dans un CADA, souvent en province. Ils obtiennent presque tous un statut de réfugié ou une protection subsidiaire, et ce dans des délais record. Mais ce plan n’est prévu que pour 30 000 personnes en ce qui concerne la France, or les besoins sont autrement plus importants : 800 000 sont arrivés en Europe depuis début 2015 et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés prévoit 600 000 nouvelles arrivées depuis la Turquie dans les quatre prochains mois. Selon Bruxelles, 3 millions de réfugiés syriens, irakiens et afghans arriveront d’ici fin 2017… Il y a donc nécessairement des « arrivées collatérales » qui continuent et qui continueront à avoir lieu. Et pour ceux-là, c’est beaucoup plus compliqué. Ce sont eux que nous retrouvons à notre permanence.

Comment imaginez-vous l’avenir de la Syrie et donc l’évolution de votre association ?

Je vois deux scénarios possibles. Ou bien ce conflit atroce se poursuit et des gens en situation de grande vulnérabilité continuent à arriver en France, auquel cas nous continuerons avec le Centre Primo Levi à leur servir de passerelle. Ou bien – ce qui n’est pas impossible car les grandes puissances commencent à prendre la mesure de la situation, ne serait-ce que par nécessité face à l’arrivée massive de réfugiés – on arrive à un accord de cessez-le-feu et de paix, auquel cas on organise ensemble une coordination sur place, en utilisant nos réseaux, pour soigner les traumatismes.

 

Source : http://www.primolevi.org/non-classe/michel-morziere-une-passerelle-pour-les-refugies-syriens.html

Témoignage de Mazen Hammada: barbarie et impunité!

Mazen Hammada, technicien dans l’industrie pétrolière, de Deir-Ezzor, s’est d’abord fait arrêter deux fois, en avril et ensuite en déc 2011, à Deir-Ezzor, parce qu’il participait aux manifestations pacifiques, les filmait et ensuite les mettait en ligne ou les envoyait aux médias. 
La troisième fois, il s’est fait arrêter au souk de Damas, en mars 2012. Il y avait rendez-vous avec une doctoresse de Darayya pour lui remettre du lait pour les enfants des déplacés. Il s’est fait arrêter avec ses deux neveux qui l’accompagnaient et avec la doctoresse. Sa détention a duré un an et sept mois. Il était détenu à l’aéroport militaire d’al-Mazzeh à Damas.

FSD a traduit et publié son témoignage, accordé à la chaine télévisée Al-Ghad Al-Arabi et publié sur Youtube le 22 avril 2015.

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Mazen Hammada, interviewé par al-Ghad al-Arabi

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L’interrogatoire et la torture

« Ils nous ont mis dans une cellule de 1.40 sur 1.40m. Nous étions entre 10 et 12 personnes dans cette cellule. Nous devions nous asseoir 5 le long d’un mur et 5 le long du mur d’en face, et une ou deux personnes restaient debout. Nous faisions un tournus toutes les deux heures.

Pendant l’interrogatoire j’ai reconnu avoir participé aux manifestations mais l’officier m’a demandé de reconnaître avoir porté des armes et avoir tué… j’ai refusé. Ils m’ont couché parterre.. quatre hommes se sont mis à sauter sur moi avec leurs bottes militaires… mes côtes se sont cassées et je n’arrivais plus à respirer. L’officier m’a reposé la question et ma réponse est restée négative. Alors ils ont installé sur mon pénis une bride que l’on peut serrer… et ils se sont mis à la serrer… là j’ai cédé, pas seulement à cause de la douleur mais aussi de peur que mon pénis ne soit sectionné. J’ai reconnu à tort avoir porté une arme pour stopper le supplice… Ensuite, j’ai été suspendu par les poignets jusqu’à ce que j’accepte de reconnaître avoir fait exploser un check-point… Ils m’ont aussi enfoncé une barre de fer dans l’ anus et j’en ai encore les cicatrices… ces gens sont dénués de toute valeur humaine. »

Bouclier humain en août 2013

« Lorsqu’il y a eu menace d’une frappe américaine possible suite à l’utilisation d’ armes chimiques à large échelle à al-Ghouta, à Damas, ils nous ont transférés dans les hangars d’aviation pour que nous soyons tués sous les bombardements. Nous étions environ 700 détenus par hangar. Nous y sommes restés un mois environ avant de retourner en cellule. »

Les conditions de détention

« Chaque jour il y avait un ou deux morts dans notre cellule, car nous avions pas assez d’air et les conditions de détention n’étaient pas supportable pour les personnes âgées ou malades. Nous étions alors 180 dans une cellule de 11×6 m2. Nous devions nous asseoir et d’autres s’asseyaient sur nos genoux. Parfois le gardien mettait son fusil dans la fente de la porte et il tirait sur le plafond en dessus de nos têtes… la balle restait parfois plantée dans le plafond ou alors elle ricochait et touchait l’un de nous. »

L’hôpital militaire 601

« Suite à mon interrogatoire et à la torture barbare que j’ai subie, j’avais les côtes cassées, je vomissais et j’urinais du sang. J’ai alors été transféré, avec d’autres, à l’hôpital militaire 601 de Damas. Dès notre arrivée à l’hôpital nous avons été accueillis par des coups de bâtons ou de chaussures par les infirmiers et les infirmières. Ensuite nous avons été placés à trois par lit et menottés. La nuit je suis allé aux toilettes, j’ai ouvert la première porte j’y ai trouvé deux cadavres, j’ai ouvert la deuxième, j’y ai trouvé deux cadavres, je suis allé vers le lavabo, il y avait là le corps d’un jeune homme blond d’environ 17 ans… Là, j’ai disjoncté, le gardien me parlait mais je ne pouvais pas répondre.. alors il s’est mis à me tabasser… Il y avait aussi un gardien à l’hôpital qui se donnait le surnom Azraël, l’ange de la mort. Il est arrivé une fois à minuit avec une barre de fer avec des pointes. Il a demandé qui parmi nous avait besoin de médicaments. L’un de nous a répondu par l’affirmative. Alors Azraël s’est approché de lui et lui a dit : « Le tribunal de Dieu t’a condamné à mort » et il s’est mis à le tabasser jusqu’à l’éclatement de sa tête. Il en est mort et il a été ensuite transporté aux toilettes. »

Sadisme

Vers la fin de ma période de détention nous avons dû donner nos empreintes en attendant d’être transférés pour être jugés devant le tribunal. Il y avait un enfant de seize ans avec nous. Le gardien lui a demandé d’où il venait, il a répondu de Darayya (lieu symbole de protestations pacifiques à Damas). Il l’a alors tabassé et ensuite il a amené un poste de soudure et lui a brûlé le visage, qui a littéralement fondu… nous l’avons ramené dans la cellule, nous avons tenté de rafraichir ses brûlures, mais deux jours plus tard il est décédé… Mon cœur s’est brisé pour cet enfant. »

La fuite de Syrie

« Après ma sortie de détention, comme j’étais toujours recherché par le service de renseignement (les différents services ne communiquent pas). Je me suis alors rendu clandestinement à Deir-Ezzor. Ensuite j’ai fui la Syrie vers la Turquie où j’ai pris le bateau vers la Grèce et ensuite un camion pour arriver aux Pays Bas. »
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L’impunité!

Il faut préciser ici que les officiers et les gardiens des centres de détention bénéficient d’une impunité totale… impunité qui incite les personnes dérangées à développer de plus en plus des méthodes barbares pour torturer les détenus…Et c’est la même impunité dont bénéficie Assad et ses semblables qui rend ces dictatures de plus en plus barbares…

Non à l’impunité!… Seule la justice peut acheminer la Syrie vers la paix.

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Source de la traduction en français, FemmeS pour la Démocratie

https://femmesdemoc.wordpress.com/2015/04/26/temoignage-de-mazen-hammada-barbarie-et-impunite/

Source vidéo en arabe :

https://www.youtube.com/watch?v=mvLMh7meYfY&feature=youtu.be

 

Torture et asile : quels soins possibles ?

Lorsqu’on a été séquestré, battu, qu’on a dû fuir son pays et que quelques mois plus tard, à 5 000 km de là, on se retrouve seul à dormir à la rue sans aucun repère ni perspective d’avenir, peut-on espérer un jour « guérir » ? 

La Journée mondiale de la santé, célébrée ce mardi 7 avril 2015, est l’occasion de faire connaître les séquelles physiques et psychologiques des quelques 125 000 personnes* que la torture et la quête de protection ont poussées jusqu’en France, et également de mettre le doigt sur la dégradation insupportable de leurs conditions de logement, avec des conséquences directes sur leur état de santé.

Les personnes dont nous parlons sont des survivants de la torture et/ou de massacres perpétrés pour des raisons politiques, ethniques ou religieuses. Ils ont perdu un ou plusieurs membres de leur famille, ont assisté à des scènes d’une violence inouïe, ont subi des traitements inhumains, dégradants, des violences sexuelles. Du jour au lendemain, ils ont été contraints de tout quitter : travail, famille, maison, pays et projets.

Arrivés en France, ils sont souvent encore sous le coup de la sidération provoquée par ces violences extrêmes infligées intentionnellement. La torture les a coupés du monde, les a réduits à l’état d’objet. Aux séquelles de la violence qui les a fait fuir leur pays se sont ajoutés le traumatisme de l’exil et les conditions de voyage souvent terribles (exiguïté de la cachette, manque d’hygiène, confinement, isolement, violences sexuelles imposées par les passeurs pour « monnayer » le passage).

Pour comprendre la situation sanitaire dans laquelle se trouvent ces hommes, ces femmes et ces enfants réfugiés en France, trois articles vous sont proposés :

Quelles séquelles physiques et psychologiques ?

Peut-on guérir de la torture ?

Logement et santé : une préoccupation grandissante

 

Lire la suite…

http://www.primolevi.org/actualites/torture-asile-quelle-sante.html

 

Témoignage de Bassam Al-Ahmed, militant des Droits de l’Homme en Syrie

Militant des Droits de l’Homme en Syrie, Bassam Al Ahmed participera à une réunion publique qui se tiendra à Paris, mardi 27 janvier 2015, à l’invitation de plusieurs organisations des Droits de l’Homme, au côté de 4 autres activistes syriens de premier plan. Le débat sera modéré par le politologue Ziad Majed, auteur de Syrie, la révolution orpheline. Merdi 27 janvier 2015, de 19h30 à 22h. « Le combat des défenseurs des droits de l’Homme en Syrie » : Salle Jean Dame 17, rue Leopold Bellan, 75002 Paris ………………………………………………………………….

Je m’appelle Bassam Al-Ahmed. Je suis originaire de la ville de Qamichli dans le gouvernorat syrien de Hassakeh. En 2005, j’ai commencé à militer et j’ai intégré plusieurs organisations clandestines de revendication des droits démocratiques des Kurdes en Syrie. Au cours des années qui ont précédé la révolution syrienne, j’ai participé à des dizaines de soirées et d’activités avec d’autres militants, essentiellement dans la ville de Damas. Nombre de ces réunions portaient sur la culture de la citoyenneté, la société civile, les droits humains, la Constitution, les minorités et d’autres sujets encore parmi ceux qui étaient débattus dans les couloirs de l’Université de Damas. Notre action dans ces domaines était remarquable et d’une très grande envergure au sein de l’université. Bassam-AL-AHMED   Suite au déclenchement de la révolution en mars 2011, j’ai participé à des activités de la révolution, comme tous les militants et citoyens syriens qui se sont révoltés pour défendre leur liberté et leur dignité. Parmi nos nombreuses activités figuraient la participation aux manifestations pacifiques et l’organisation de conférences sur la non-violence avec plusieurs autres militants et activistes. J’ai ensuite commencé à collaborer avec le Centre syrien pour les Médias et la Liberté d’Expression en janvier 2012. Peu de temps après, en février, le Centre a été victime d’une attaque des services de renseignements de l’Armée de l’air qui ont arrêté toute l’équipe des militants et militantes, avec à sa tête le journaliste Mazen Darwich. Libéré 87 jours plus tard, j’ai repris mes activités et me suis entièrement consacré au travail avec le Centre de Documentation des Violations en Syrie (VDC), dirigé par l’éminente avocate des Droits de l’Homme Razan Zaitouneh.

Le Centre de Documentation des Violations joue un rôle essentiel dans le processus de documentation des violations des Droits humains en Syrie depuis le début de la révolution. Il est parvenu, jusqu’à ce jour, à documenter des dizaines de milliers de cas de meurtres et de mauvais traitements infligés à des détenus, et à collecter les noms de milliers de victimes de disparitions forcées. Nous avons également publié des dizaines de rapports, dont le premier rapport documenté sur le massacre à l’arme chimique de la Ghouta de Damas en août 2013, le premier rapport sur les atrocités commises au sein de l’Unité 215 des services de la Sécurité militaire ou encore sur les fosses communes où sont ensevelis les prisonniers.

Le Centre compte aujourd’hui plus d’une trentaine de militants et militantes compétents et expérimentés en matière de documentation des violations des Droits humains, à la fois du fait de l’ampleur de notre travail au quotidien depuis près de 4 années, et grâce aux nombreuses sessions de formation auxquelles ils ont pu participer avec le soutien des organisations internationales des Droits de l’Homme.

A l’instar des autres jeunes organisations de la société civile et des organisations syriennes de défense des Droits humains, notre Centre a dû faire face à quantité de défis et difficultés au cours des premiers mois de la révolution, principalement en lien avec la situation sécuritaire. Un grand nombre de militants qui collaboraient ou travaillaient avec le Centre ont été arrêtés. Et ces difficultés n’ont pas cessé après que certains groupes armés opposés au gouvernement aient pris le contrôle de certaines régions dans lesquelles nos militants sont actifs. Le 9 décembre 2012, des membres d’une milice anti-gouvernementale ont attaqué le bâtiment principal du Centre de Documentation des Violations en Syrie de la ville de Douma, dans la campagne de Damas, et enlevé la directrice du Centre, la militante pour les Droits humains et avocate Razan Zaitouneh, ainsi que trois de ses collègues : Samira Al-Khalil, Wael Hamada – l’époux de Razan Zaitouneh, et l’avocat Nazim Al-Hamadi. A ce jour, ils figurent parmi les nombreuses victimes de disparitions forcées dans mon pays.

Les organisations de la société civile syrienne ont déployé d’incroyables efforts pour obtenir la vérité sur les événements qui affectent la Syrie, et les défenseurs des Droits humains ont joué un rôle de premier plan à cet égard. Ils ont, pour cela, enduré de nombreuses souffrances, fait la terrible expérience de la détention où parfois ils ont laissé la vie. Notre collègue le Dr. Ayham Mostafa Ghazzoul, qui militait avec nous, a ainsi succombé sous la torture alors qu’il se trouvait aux mains des services de sécurité. C’est le cas de dizaines d’autres activistes, si nombreux que nous ne pouvons tous les nommer ici. Nous avons cependant une pensée toute particulière pour Mazen Darwich, directeur du Centre syrien pour les Médias et la Liberté d’Expression (SCM), le blogueur Hussein Gharir et l’activiste Hani Zitani, avec qui j’ai été arrêté en février 2012 et qui sont toujours détenus pour leur combat pacifique en faveur des libertés.

Malgré tous les défis auxquels nous sommes confrontés, nous avons conscience que la société civile syrienne est encore jeune et doit continuer à se construire. Nous avons besoin du soutien des organisations internationales dont l’expérience est avérée dans ce domaine, mais plus encore c’est de la solidarité et du soutien de tous dont nous avons besoin pour cultiver l’espoir et nous aider à tracer un chemin hors de l’obscurité pour la Syrie.

 

Source : Un œil sur la Syrie, 20 janvier 2015 http://syrie.blog.lemonde.fr/2015/01/20/temoignage-de-bassam-al-ahmed-militant-des-droits-de-lhomme-en-syrie/

Torture en Syrie : un réfugié témoigne

Par Olivier Brégeard

Arrêté sans preuve après avoir participé à des manifestations contre Bachar el-Assad, un jeune membre de la bourgeoisie de Damas a passé plusieurs semaines dans l’enfer des geôles du régime. De passage en Alsace au terme d’une odyssée dantesque, il s’est confié à nous. Un récit déconseillé aux âmes sensibles.

 

Lire la suite….

http://www.lalsace.fr/actualite/2014/12/16/torture-en-syrie-un-refugie-temoigne

 

Photo: Mulhouse, le 4 décembre 2014 : une partie de la famille de B. résidant encore en Syrie, nous avons préservé son anonymat et gommé certains éléments de son récit qui auraient pu permettre de l’identifier. Photo  L’Alsace/

un réfugié témoigne

Syrie: battus, pendus, recouverts de cafards, le quotidien des détenus du régime

Pendant deux ans, les journées de Mohsen al-Masri ont été rythmées par les tortures. Suspendu au plafond, recouvert de cafards, battu encore et encore… Il a survécu et peut aujourd’hui témoigner, pour les 12.000 personnes mortes dans les prisons du régime syrien.

Son visage rond désormais émacié, Mohsen, un nom d’emprunt, raconte les sévices et humiliations depuis son exil turc. «Chaque fois que l’on était transféré d’un centre à un autre, on avait le droit à une ‘fête de bienvenue’, (les gardes) nous battaient brutalement, avec des bâtons».

le quotidien des détenus du régime

Mohsen a été pendu par les poignets des heures durant, ses orteils frôlant à peine le sol. Parfois, ses gardes glissaient des cafards sous ses vêtements, puis l’aspergeaient d’insecticide.

La torture pouvait aussi se faire psychologique. «Ils insultaient ma femme, me disaient qu’ils allaient aller chez moi et la violer».

Depuis le début de la guerre, en mars 2011, quelque 200.000 personnes ont été emprisonnées en Syrie, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH). 12.000 ont péri en détention.

La plupart des détenus passent d’abord par les centres des services de renseignements, privés d’eau, de nourriture, de médicaments. Mohsen faisait 100 kg lors de son arrestation, il en pesait moins de 50 à sa sortie.

«Pour nous, vous n’êtes rien», a un jour lancé un de ses tortionnaires à Mohammad Samaan — un pseudonyme –, arrêté et emprisonné à deux reprises. «Nous torturons les gens parce que nous sommes sadiques. Nous aimons ça».

«Il m’a électrocuté et m’a dit d’écrire tout ce que je savais. Il a tout fait pour essayer de me faire craquer», explique ce militant pacifiste de 33 ans, originaire de Damas.

«J’ai survécu à un cauchemar. Rien (…) ne m’aurait préparé à l’horreur de la détention», raconte-t-il, se rappelant avoir lu, peu avant le début de la révolution, «1984» de George Orwell, qui décrit la vie sous un régime totalitaire. «Quand j’ai été emprisonné à mon tour, j’ai découvert qu’un tel monde existait, et que c’était en Syrie».

«Aujourd’hui, les souvenirs me hantent chaque jour, quand je mange, quand je dors», raconte-t-il d’une voix calme, tirant sur sa cigarette à Beyrouth, où il a trouvé refuge.

– Simulacres de procès –

Comme la plupart des détenus, MM. Samaan et Masri ont été transférés, après leur passage dans les bureaux des services de renseignements, dans les tristement célèbres prisons d’Adra et de Seydneya, après un simulacre de procès.

M. Masri, lui aussi militant pacifiste, a été jugé par un tribunal militaire. Et le procès de M. Samaan était, selon ses propres mots, une «farce». «Tous les juges en Syrie ne font que suivre les ordres des forces de sécurité».

Un constat partagé par un éminent avocat syrien spécialisé dans les droits de l’Homme. «Le régime ne respecte pas ses propres lois quand il s’agit des prisonniers», affirme-t-il sous le couvert de l’anonymat.

«Il y a quatre agences de sécurité en Syrie, et chacune est prête à tout pour montrer qu’elle est plus violente que les autres», ajoute l’avocat. Et de décrire un maillage sous-terrain immense de prisons et de centres de détention secrets.

«Rien qu’à Damas, il y a 30 ou 40 centres d’interrogation des services de sécurité et un nombre inconnu de lieux de détention secrets». Seuls les détenus dans les prisons officielles ont le droit à des visites.

En outre, plusieurs détenus sont emprisonnés comme «otages» et utilisés comme moyen de pression sur la personne voulue jusqu’à ce qu’elle se rende.

Le président Bachar al-Assad a bien accordé une amnistie à des milliers de personnes en juin, mais seule une poignée des prisonniers de conscience ont été libérés.

Pour la militante des droits de l’Homme Sema Nassar, le régime refuse de libérer les militants pacifistes qui ont joué un rôle essentiel aux commencements de la révolte, en mars 2011, par crainte de l’influence qu’ils pourraient avoir une fois libérés.

Le conflit syrien, débuté par des manifestations brutalement réprimées par le régime Assad, est devenu depuis une guerre complexe, où s’affrontent rebelles, groupes jihadistes et armée. Il a fait 200.000 morts.

La plupart des meneurs du soulèvement pacifique sont aujourd’hui morts, en prison ou réfugiés à l’étranger, selon plusieurs militants.

AFP

Source : Le quotidien « Libération »

http://www.liberation.fr/monde/2014/12/12/syrie-battus-pendus-recouverts-de-cafards-le-quotidien-des-detenus-du-regime_1162151